De passage à Bordeaux le vendredi 12 février pour une date au Rocher de Palmer avec les copains de son label InFiné, Rone vient, entre autres, nous présenter son troisième album sorti en 2015, "Creatures". Le petit génie de la musique électronique, au talent salué par ses pairs depuis le début, prépare un live rien que pour nous. Conversation à son image, intime et généreuse à la fois.
Apparemment, la musique électronique, ça t’a pris comme un virus, tu nous racontes ?
A l’adolescence, j’écoutais beaucoup de rap, j’ai aussi eu une grosse période jazz pendant deux ans. Et puis un jour, en écoutant comme beaucoup de gens Aphex Twin, je me suis pris une grosse claque. Je me suis dit que ce son, ça ne ressemblait à rien. A ce moment-là, il y a tout un monde qui s’est ouvert à moi. Je faisais déjà de la musique, des mixtapes que je distribuais à mes copains, ils venaient rapper chez moi c’était un gros bordel (rire). Moi je faisais du scratch, j’avais des platines, je bidouillais. Et puis je me suis rendu compte de ce qu’on pouvait faire avec un simple ordinateur et des logiciels crackés, et j’ai passé des nuits blanches à essayer de les comprendre jusqu’à ce que ça commence à donner des choses intéressantes. D’un coup j’avais l’impression d’être un homme-orchestre. Je me suis monté un petit studio et c'était parti !
Tu as eu un succès fulgurant… Tu l’as vécu comment ?
J’ai été très surpris, j’ai eu beaucoup de chance. A cette période-là, je n’avais pas beaucoup de confiance en moi, je me disais que je n’y arriverais jamais quoi… Je gagnais plutôt ma vie en bossant dans le cinéma. Pour moi la musique était inaccessible, j’avais tellement de respect pour les musiciens que j’aimais que je n’y croyais pas. Et puis finalement, j’ai pris mon courage à deux mains, un soir j’étais un peu bourré et j’ai envoyé mes démos à l’ancienne, j’ai mis des disques gravés dans des enveloppes et je les ai envoyées à trois labels. J’ai eu beaucoup de chance parce que les trois m’ont répondu positivement. J’ai donc eu le luxe de choisir. J’ai eu un super feeling avec les gens d’InFiné qui étaient français et qui produisaient Apparat. Du coup je me suis lancé avec eux et j’y suis toujours.
Dans ton dernier album, "Créatures", tu as six morceaux en duo avec des chanteurs, parfois à textes, parfois c'est juste des nappes vocales. C’est une vraie nouveauté, qu’est-ce qui t’a poussé dans cette direction-là ?Mon premier album était vraiment un album de solitaire. J’étais enfermé dans ma chambre de bonne de 9 mètres carrés à Paris et j’avais tout fait chez moi jusqu’au mastering. Il fallait que j’échange. C’est sur le troisième album que ça s’est vraiment concrétisé. Ça s’est fait très naturellement, avec des gens que j’ai rencontrés sur la route, lors de mes tournées. Etienne Daho par exemple m’a contacté pour que je lui fasse un remix et dans la foulée je lui ai proposé de poser sa voix sur l’album que j’étais en train de composer.
Tu fais des BO de films aussi, des morceaux pour des projections photos… Comment tu abordes ta musique pour ce genre de demande ?
C’est quelque chose que j’adore faire en parallèle, me mettre au service de quelqu’un d’autre et me transformer en artisan, avoir des contraintes. Quand tu fais un disque, c’est assez vertigineux parce que tu es complètement libre, du coup c’est génial et flippant à la fois. Travailler pour un réalisateur, c’est visiter des territoires sur lesquels tu ne serais pas forcément allé. Il y avait une époque où je faisais des morceaux plutôt solaires, lumineux, joyeux et à ce moment là Vladimir Mavounia-Kouka m’a demandé de faire la musique de son film d’animation pour adultes qui était très sombre, en noir et blanc, à tendance pornographique. Ca m’a obligé à aller chercher dans mon côté noir. Après, l’expérience reste et nourrit ma propre production en amenant des nouvelles couleurs à ma palette.
Pourquoi tu joues toujours en live ?
Avant de sortir mon premier disque j’avais fait quelques soirées où j’étais Dj et j’adorais ça. Un jour mon label m’a proposé de faire un live pour le Rex Club à Paris. J’ai paniqué, j’ai fait une nuit blanche et j’ai bossé comme un dingue. Finalement ça a été super et c’est ce jour-là que je me suis dit que mon truc, ce n’était plus le cinéma mais bien la musique. Je me suis senti à ma place. Avant j’avais l’impression d’avoir un côté autiste, d’avoir du mal à m’exprimer et ça m’a libéré de ces choses. Depuis je ne fais que des lives. Un live c’est une performance, tu ne bois pas un cocktail entre deux morceaux, tu crées une intimité plus forte avec les gens.
Qu’est-ce que tu nous prépares pour vendredi ?
Cette fois-ci je reviens à Bordeaux dans un mode un peu spécial parce que j’y vais en famille avec le label InFiné, donc je ne serai pas tout seul sur scène avec tout mon bordel. Je veux laisser de la place aux autres. J’ai envie de faire un set comme quand je pars loin à l’étranger, avec un équipement réduit. Ce sera un live vraiment électronique avec trois, quatre machines.
Rone + Bernard Szajner + Cubenx Dj set Vendredi 12 février Rocher de Palmer 1, rue Aristide Briand - Cenon Tél. :05 56 74 80 00 Page Site