n29o11hbyt

Après le burn out, le brown out touche de plus en plus de jeunes

Publié le 17 février 2020 à 10h40

Modifié le 21 janvier 2021 à 16h57

par La Rédac'

« Il a fait un burn out » murmure-t-on furtivement pendant la pause café, entre deux powerpoints formatés et appels chronométrés. Si ce mot est devenu tristement tendance avec la floraison des start-ups et la rigidité accrue des entreprises, au risque d’être parfois extrapolé, ce pourrait bientôt être le tour de son homologue le "brown out".

Ce terme émergent en France s’est récemment greffé à la liste déjà (trop) longue des mots servant à décrire le mal-être des travailleurs. Pour comprendre la manifestation de cette pathologie, ses symptômes et ce dont elle est révélatrice, nous avons interrogé le docteur généraliste François Baumann, qui s’intéresse de près aux sciences sociales et est l'auteur de Brown-out : quand le travail n’a plus aucun sens.


« Brown out, tu veux dire burn out ? »

François Baumann est le premier Français à avoir écrit un livre sur le sujet, après avoir traité dans ses ouvrages du "bore-out" et du "burn out". Il nous informe que si le mot "brown-out" a fait une apparition timide en France en étant relayé par quelques médias et reste à ce jour peu connu des Français, il est employé par les chercheurs américains depuis trois-quatre ans déjà. Pour ne pas nous perdre dans cette saga des "out", le docteur nous fait un rappel opportun.

Une publication partagée par OrelSan (@orelsan) le

Ces pathologies, qui présentent des symptômes assez similaires, se distinguent surtout par leurs causes, très différentes. « Le burn out procède d’un épuisement émotionnel, tandis que le bore out est dû à un manque de travail, à un ennui profond. Il se manifeste chez des gens à qui on ne donne rien à faire, qu’on met de côté. ». Il cite le film Je vais mieux pour illustrer ces individus déprimés, privés d’un sentiment d’utilité par un manque aigu de travail.

« Les victimes de brown out, explique t-il, sont beaucoup plus répandues. Ce sont ces gens dont on entend souvent parler, qui sont désengagées et las de leur boulot ».


Une véritable crise existentielle du salarié

Les chiffres que nous cite ce praticien aux multiples casquettes, docteur officiel et psy officieux des patients, sont pour le moins inquiétants : 54% des Français seraient atteints de brown out contre 37% des gens à l’échelle mondiale. Parmi les symptômes que pointe du doigt François Baumann : « une dépréciation de soi-même qui entraîne un "à quoi bon ?", de la déprime voire une dépression, des idées noires et suicidaires ». Habitué des naufrages professionnels, il voit de nombreuses personnes souffrant d’insomnies, de crises de larmes ou de profonde lassitude s’échouer dans son cabinet.

L’exaspération du reste de la famille, qui écope des doléances continues du travailleur, est souvent l’élément déclencheur. Elle le pousse à consulter un spécialiste pour sortir de son état léthargique et zombiesque. La goutte d’eau en trop, l’énième démêlé avec un employeur ou un chef qui fait déborder le vase déjà bien plein d’une vie professionnelle stagnante peut aussi encourager l’individu à se sortir la tête de l’eau.

Interrogé sur les "remèdes" permettant  de surmonter ce qu’il appelle la « crise existentielle du salarié » et le sentiment « d’absurdité » ressenti, François Baumann explique : 

« Cela dépend du niveau de déprime, certains patients arrivent en larmes chaque semaine, il m’arrive alors de leur prescrire des anti-dépresseurs, par petites doses, et surtout je les mets en arrêt de travail pour qu’ils respirent. Pour cela, je suis obligé de passer par des médecins du travail, qui sont plutôt enclins à les arrêter. Suite aux vagues de suicides, ils sont très avertis et très prévenants au moindre signe de souffrance. Quand il y a des reconversions professionnelles, je propose aussi des psychothérapies de soutien. »

Il remarque que les patients atteints de brown out ne reprennent généralement pas le métier qu’ils ont quitté après leur break salvateur et décident de se reconvertir.


L'apparition des bullshit jobs

On l’a vu, le nom mis sur ce phénomène est plutôt récent. Est-ce que cela traduit un mal-être émergent chez les travailleurs ? Est-ce dû à l’évolution des pratiques de travail ? Pour François Baumann, il ne fait aucun doute que l’apparition des bullshit jobs avec la révolution technologique, « des métiers qui ne servent à rien » (dans les termes de l’anthropologue américain David Graeber), comme CM, RH, les métiers du management, des conseils et des finances, favorise cette épidémie préoccupante de brown out.

Ces employés, travaillant sous la houlette d’un supérieur, ont du mal à percevoir un intérêt durable à leurs missions. Ils pâtissent également d’une perte de normes et de repères (il faut souvent s’adapter à de nouveaux logiciels etc.), avec peu de marge pour s’exprimer et une part affective très faible. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce sont majoritairement des jeunes, désillusionnés lorsqu’ils sortent de leurs écoles marchandes de rêves. L’âge des patients de François Baumann s’étend ainsi de 19 à 60 ans. Flippant, quand les jeunes sont justement censés être porteurs d’espoir.   

Quant à l’ampleur du phénomène, elle semble affecter tous les milieux sociaux, comme les différents témoignages de jeunes sur le brown out que nous avons recueillis semblent en témoigner. 

Hélène raconte les énormes déceptions lorsqu’elle a fait son entrée dans le monde hospitalier en tant qu’aide soignante à 21 ans :

« Je suis sortie de l’école avec plein de bonnes idées, et de bons souvenirs de stage où on m’avait laissé travailler avec mon cœur. Puis quand j’ai commencé à travailler, on m’a demandé de faire du rendement avec la santé des gens, de travailler à la chaîne comme un chauffeur-livreur. Dans le service psychiatrie, personne ne parlait aux patients. Beaucoup de gens de ma promo ont connu la même désillusion. J’avais ma hiérarchie sur le dos, mes collègues qui me faisaient comprendre que ça n’allait pas le faire. On me reprochait d’être trop humaine, de tenir la main aux patients, alors qu’ils vivaient peut-être leurs derniers instants. Je rentrais, je pleurais, j’allais au travail à reculons. »

Hélène a réitéré l’expérience dans sept services différents avant de se rendre à l’évidence : elle était faite pour le métier (les retours des patients et de leurs familles étaient excellents), mais le milieu hospitalier n’était pas fait pour elle. « Ça allait à l’encontre de mes principes, de ce que j’ai vu petite, de ce que j’avais appris à l’école. » Elle a été consulter la médecine du travail qui l’a prévenue qu’au vu du contexte économique, la situation n’allait faire qu’empirer. Hélène s’est reconvertie au métier d'ambulancière, où elle est libre de prendre le temps d’écouter les patients, à l’abri des regards de ses supérieurs robotiques.

Lucie, professeure de piano depuis ses 16 ans et baignant dans le milieu depuis ses 5 ans, a elle aussi connu les effets visiblement répandus du brown out : « Quand je donnais cours, il y a un moment où je me suis demandé en quoi j’étais utile. Beaucoup de parents forcent leurs enfants à faire du piano. Ils se rendent aux cours sans motivation et beaucoup de parents ne veulent rien savoir. Le milieu de la musique classique est aussi hyper fermé, il n’y a aucun soutien, pas assez de place. Tu te retrouves à vie à travailler dans des asso, et beaucoup se reconvertissent. ». 

Lucie a abandonné l’idée d’en faire son métier, elle pense que la précarité de la profession fait perdre aux musiciens tout intérêt pour leur art : « Ils ne sont plus préoccupés que par l’argent », lâche-t-elle, désabusée.

Florian a quant à lui entrepris des études de chimie industrielle pour poursuivre son rêve de travailler dans la chimie agro-alimentaire. Seulement, il s’est vite rendu compte que le métier allait à l’encontre de ses principes : « Quand t’es un amoureux de la nature comme moi, ce n’est pas compatible, car on a beau te dire l’inverse, tous les produits chimiques hyper toxiques sont déversés dans la nature. C’est quelque chose que je ne peux plus cautionner, comme de me polluer la santé. Je n’avais plus envie d’aller bosser, j’avais perdu la motivation. Je me suis reconverti dans la maraîchage biologique, la permaculture bio. Je vais lancer mon entreprise dans l’Ariège à la fin de ma formation et il n’y aura aucun produit chimique », nous explique-t-il.

Ces trois témoignages viennent corroborer le pronostique émis par François Baumann sur la jeunesse, souvent porteuse des symptômes du brown out et atteinte d’une « baisse de courant ». Hélène, Lucie et Florian ont tous été courcircuités dans leurs projets initiaux en constatant l’inadéquation de leurs idéaux avec la réalité du terrain. Les écoles seraient responsables de brosser un portrait déformé de la réalité. Nous remercions François Baumann, guérisseur de l’âme, pour ses éclaircissements sur cette souffrance intellectuelle et philosophique qui pourrait bien être le nouveau mal-être du siècle.  

À VOIR AUSSI

À LIRE AUSSI
bordeaux-ville

Le centre-ville de Bordeaux sera définitivement interdit aux voitures d'ici 2026

Publié hier à 20h30

par La Rédac'

Une annonce retentissante vient de secouer Bordeaux : le centre-ville sera totalement interdit aux voitures au 1er janvier 2026. Ce projet ambitieux, porté par la mairie, a pour objectif de transformer radicalement la circulation dans la ville, en mettant un terme définitif à l’ère des véhicules motorisés au cœur historique de la capitale de la Gironde.

La fin définitive des moteurs à Bordeaux

D’ici deux ans, le centre de Bordeaux deviendra une vaste zone piétonne, où seuls les transports publics, les vélos, et les piétons auront accès. Les rues bordelaises, qui avaient déjà fait l'objet de quelques expérimentations ces dernières années, seront entièrement réaménagées pour offrir un espace plus sûr et agréable à ses habitants et à ses visiteurs.

Le coût total du projet est estimé à 450 millions d’euros, une somme qui comprend l'installation de nouvelles infrastructures de transport, des aménagements paysagers et l’extension du réseau de tramway. Pierre Lemoine, adjoint au maire de Bordeaux, souligne que "cette initiative fait partie d’un plan à long terme pour redonner de l’air à nos quartiers, améliorer la qualité de vie et réduire la pollution. Bordeaux doit se réinventer et devenir une ville modèle en matière de mobilité durable."

Un nouveau centre-ville aménagé par étapes 

Le projet sera progressivement mis en œuvre à partir de juin 2025, avec des premières étapes qui concerneront les zones autour de la Place Pey-Berland. Les rues commerçantes comme la rue Sainte-Catherine seront parmi les premières à bénéficier de cette nouvelle configuration. Le planning des futures zones est actuellement en cours d'élaboration.

Les répercussions pour les Bordelais sont importantes. Marie Legrand, commerçante de la rue du Loup, se dit optimiste : "Cela risque de changer beaucoup de choses, mais à long terme, je crois que ce sera bénéfique pour tous. Plus de piétons, plus de cyclistes, moins de voitures : c’est un futur que j’attends avec impatience."

À Bordeaux, la voiture cède donc définitivement sa place à la mobilité douce, et les Bordelais pourront profiter d’un centre-ville plus calme et plus écologique d’ici 2026.

¡ lıɹʌɐ,p uossıod un à ǝnbsǝɹd ʇıɐɹıoɹɔ uo


À LIRE AUSSI