"Malgré que"
Il est temps de lever le voile sur cette expression qui suscite grosso modo le même sentiment que lorsque la fourchette crisse sur l'assiette : "Malgré que" s'emploie uniquement avec le verbe avoir conjugué au subjonctif. Et encore, dans la langue soutenue. L'Académie française recommande plutôt l'utilisation de la locution prépositionnelle "en dépit de".
A « malgré que Christophe Maé fût un artiste génial, je préfère ne pas écouter sa musique. », préférez donc « en dépit du talent de Christophe Maé pour la musique, je préfère ne pas écouter ses morceaux. »
"Remplir des informations"
Tiens, tiens, tiens. Une occasion de plus de râler dans la salle d'attente du dentiste, alors que tu es déjà bien flippé. « Remplir peut en effet signifier "compléter un document en comblant les blancs, les espaces laissés vides", mais le complément du verbe est alors questionnaire, fiche, dossier d’inscription, etc. » précise l'Académie française.
On remplit donc un questionnaire avec les informations demandées. Et sinon, pour faire simple, on ne remplit pas le questionnaire, et on change de cabinet médical. Un peu radical, on vous l'accorde, mais la question ne se pose plus.
"J'ai beaucoup de choses à penser"
Si tu as passé la journée à binge watcher (oui, j'ose les anglicismes au sein même de ce top), qu'il est 22h et que tu rends ton mémoire demain, tu serais tenté de dire entre deux crises d'angoisse : « j'ai beaucoup de choses à penser ». Ce qui serait une erreur de ta part. On te suggère de plutôt utiliser l'expression « il y a beaucoup de choses auxquelles je dois penser ».
L'Académie française explique que l'emploi correct se fait « lorsque le verbe penser se retrouve lié à un complément direct et prend le sens de "concevoir par la pensée" mais aussi, et enfin, quand il dispose d'un complément indirect pour signifier "prendre pour objet de réflexion" ou "avoir l'esprit occupé par quelqu'un ou quelque chose". »
En bref, l'expression "j'ai beaucoup de choses à penser" est à bannir, sauf bien sûr si tu es architecte ou designer et qu'effectivement tu as beaucoup d'objets à concevoir par la pensée.
"De par"
Cette locution prépositive « a encore son sens premier : "de la part de", "au nom de", dans des formules figées comme "de par le roi" ou "de par la loi" », nous éclaire l'Académie française.
En dehors de ces cas et de la forme "de par le monde", cette expression n'a donc rien à faire dans vos lettres de motivation lorsque vous parlez de vos expériences. Plutôt que « De par mon expérience de 5 ans chez McDo », employez « du fait de mon expérience de cinq ans auprès d'une grande enseigne de restauration rapide ». Par exemple.
"En mode"
L'Académie française fournit ici une illustration très imagée de l'emploi du terme que nous avons pour le coup voulu conserver : « Elle s’est endormie en mode tortue retournée », pour « elle s’est endormie sur le dos ».
Précisons que même dans la langue familière, employé pour dire "à la manière de", "comme" ou pour porter un jugement sur la manière dont a agi la personne qu’on évoque, le terme est incorrect.
"Basique" au sens de "fondamental"
Peut-être qu'Orelsan aurait aimé lire ce top avant de sortir son album : l'adjectif "basique" relève du vocabulaire de la chimie pour qualifier « une substance qui a les propriétés d’une base ; en minéralogie, il sert à caractériser une roche contenant au moins cinquante-cinq pour cent de silice. ». Il n'a donc rien à voir avec ce qui relève de l'essentiel ou du fondamental.
« On ajoutera que c’est aussi une faute de donner à basique le sens d’élémentaire, de primitif, et plus encore d’appliquer cet adjectif à une personne qui manquerait de finesse. », poursuit l'Académie française. Il devient donc fondamental de ne plus dire basique pour désigner quelque chose de fondamental. C'est bon pour vous ?
"Tout à fait"
Contrairement à la croyance commune, "tout à fait" signifie "entièrement". Pour reprendre l'exemple employé par l'Académie, la phrase « Le patient est-il mort ? Tout à fait. » est donc erronée.
S'il vous passe un jour par la tête l'envie de répondre "tout à fait" à la place d'un simple "oui", ne le faites pas. Préférez la simple affirmative ou un "volontiers", si la question s'y prête. De plus, vous paraîtrez moins snob.
"Effectuer" au sens de "faire "
Pour reprendre l'exemple de la lettre de motivation, il est courant de considérer qu'effectuer est un synonyme de faire. Grosse erreur. Heureusement que l'Académie nous remet dans le droit chemin du français correct, en précisant que le mot « s’emploie pour parler d’une opération d’une certaine complexité ou qui peut présenter certaines difficultés (...) Lorsqu’il s’agit d’actions ordinaires, on préfèrera le verbe faire. »
Par exemple, on effectue une recherche de clés sur son trousseau en rentrant ivre de soirée mais on fait un stage de trois semaines en entreprise.
"Futur" pour "avenir"
« Avenir désigne une époque que connaîtront ceux qui vivent aujourd’hui, alors que futur renvoie à un temps plus lointain, qui appartiendra aux générations qui nous suivront. Employer en ce sens futur pour avenir est un anglicisme qu’il convient de proscrire. »
Si l'on suit la logique de Jean-Claude Van Damme, à l'avenir, il n'y aura plus d'eau, et encore moins dans le futur.
"C’est culte"
En remontant aux origines du nom culte, l'Académie indique qu'il « a d’abord désigné un hommage que l’on rend au divin par des rituels religieux et la piété qu’on manifeste à l’égard du sacré. Il a ensuite désigné l’ensemble des cérémonies et des rites établis par une religion et, par affaiblissement, la vénération presque sacrée pour quelqu’un ou pour quelque chose. ».
Aujourd'hui, on l'utilise un peu pour tout ce qu'on aime, à tort et à travers. Dans ce cas, surtout à tort : « cette salade de chia aux pâtes sans gluten est culte ». Selon le Larousse, le terme qualifie « quelqu'un ou quelque chose qui suscite l'enthousiasme d'un public, généralement restreint ».
« Si ce type de construction, qui relève le plus souvent de l’emphase, est accepté, on se gardera bien de faire de culte un attribut dans des expressions comme "c’est culte, cette émission est devenue culte". L’hyperbole peut facilement être exprimée en français sans qu’il soit besoin de recourir à ce type de barbarisme. », ajoute l'Académie. On ne pourrait être plus d'accord.
On vous recommande également de consulter l'onglet Néologismes et Anglicismes du site de l'Académie française qui vous évitera d'être la personne agaçante qui parle très fort dans le bar en déblatérant des inepties telles que « Je croyais aller à une soirée backstage alors qu'en fait on était juste sur un rooftop complètement random d'un énième label indé où j'ai croisé mon crush d'il y a 6 mois. ». Bien à vous.