On dit que le bonheur des uns fait le malheur des autres. La célèbre phrase résume bien le conflit qui a opposé skaters et riverains dans l'agglomération bordelaise. D'un côté, des passionnés qui demandent à pouvoir pratiquer leur activité en toute liberté, liberté qui définit l'état d'esprit des skaters. De l'autre, des riverains incommodés par le bruit et les dégradations, qui font valoir leur droit à la tranquillité. Et entre ces deux partis, la médiation a été assurée par la mairie de Bordeaux.
Le skate, art de vivre
« Le skate c'est une planche en bois avec des roulettes ». La phrase n'est pas fausse, quoique réductrice. La planche à roulettes est l'outil, le moyen matériel, mais le skate est plus largement une mentalité, un art de vivre. On situe les origines du skateboard dans le début des années 60, aux Etats-Unis, on parle donc d'une pratique vieille de 60 ans ! Des décennies au cours desquelles le skate s'est développé et a étendu son influence au monde entier, si bien qu'aujourd'hui on parle d'une « culture skate » à part entière.
Une culture qui s'est bien implantée dans notre métropole bordelaise. Du skate-park des Chartrons à l'espace couvert de Darwin en passant par les innombrables « spots de street » ou encore les skate shops, la communauté skate de Bordeaux est présente et visible dans toute l'agglomération. Plus qu'une simple activité, le skate est une réappropriation de l'espace urbain. Mais si les spots dédiés à la pratique ne posent en général aucun problème, les spots de street, plus sauvages, ont longtemps été source de conflits entre skaters et riverains.
C'est bientôt fini ce b*rdel ?
On a tous déjà pu observer des skaters slalomant entre les passants le long des quais, rue sainte Catherine, ou encore pratiquant leur activité place de l'Hôtel de ville et place de la Comédie. Sans compter les dizaines de spots « officieux ». C'est précisément sur ces espaces que la cohabitation avec les riverains a été délicate et même conflictuelle avec les skaters. Car même si les plaignants n'ont pas spécialement d'animosité envers le skate en tant que tel, les nuisances sonores suffisent souvent à provoquer leur colère.
Ça frotte, ça ripe, ça slide, ça claque ! Mélodie familière pour les amateurs, boucan d'enfer pour les voisins. Au delà du bruit, les plaintes des riverains évoquent aussi les dégradations sur le matériel urbain. En 2016, la tension était à son comble et des riverains excédés ont commencé à se faire justice eux-même. Face au durcissement des relations entre riders et résidents, la mairie a été sollicitée et a joué un rôle de médiation.
La mairie évite que ça parte en freestyle
Les interdictions strictes sont souvent contre-productives, priorité a donc été donnée à la recherche de compromis. En 2017, la ville a mis en place l'expérimentation « Skate(z) zen » afin de nouer le dialogue entre les deux partis. En 2018, deux médiateurs sont désignés. Collectifs de skaters et riverains ont pu échanger et trouver des terrains d'entente, et fin 2019 le constat était clair : la situation s'est nettement améliorée, dans l'intérêt de tous. Par la mise en place d'horaires aménagés autorisant la pratique du skate sur les grandes places bordelaises. Une charte de bonne conduite doit également être respectée par les skaters.
Bientôt des bancs en granit dans la ville
Enfin, un calendrier a été mis en place avec des projets à court et moyen termes allant jusqu'à 2026. On y retrouve l'aménagement d'un grand nombre de lieux afin d'y faciliter la pratique du skate, avec l'implantation d'éléments urbains plus solides et prévus pour être « skatable ». Des bancs en granit seront par exemple installés dans plusieurs endroits de Bordeaux. L'ensemble du programme est consultable sur le site de la mairie.
Au delà de la réconciliation entre les deux partis, ces moments d'échanges ont aussi permis aux skaters de faire découvrir leur passion, à mi chemin entre art et sport extrême. Une discipline qui sera d'ailleurs présente pour la toute première fois aux Jeux Olympiques de 2020 ! Qui sait, le premier médaillé d'or olympique de skate sera peut-être bordelais ?