1esry310mo

Garance Marillier, l’actrice qui monte grave

Publié le 28 mars 2017 à 00h00

Modifié le 28 mars 2017 à 16h00

par La Rédac'

C’est le film événement du mois de mars, Grave, un premier long métrage de Julia Ducournau. Entre cannibalisme, histoire estudiantine et familiale, le film est incroyablement bien réalisé et audacieux. L’actrice principale du film, Garance Marillier, nous a accordé du temps alors qu’elle passe son baccalauréat dans quelques semaines. De ses débuts à 11 ans, révélée dans les courts-métrages de Julia Ducournau, à son premier grand rôle dans Grave, découverte d’un talent que l’on n’a pas fini de voir sur nos écrans. 

Bonbon Nuit : De quelle manière peux-tu nous décrire le film, sans le spoiler ? 

Garance Marillier : C’est l’histoire d’une jeune fille surdouée, qui arrive dans un monde de jeunes adultes. Elle est candide. Sa grande sœur est dans la même école, elle a un an de plus qu’elle et pourtant, elle est plus mature, complètement intégrée. Elles sont toutes les deux végétariennes car c’est une tradition familiale. Et à travers le bizutage pour tous les nouveaux de cette école, mon personnage, Justine, va être obligée de manger de la viande crue. Les conséquences vont être sanglantes… (sourire).  

Bonbon Nuit : Comment es-tu arrivée au casting de Grave ? Je crois savoir que tout a commencé sur une plage, rien que ça… 

Garance Marillier : Oui, une balade sur la plage, un truc très romantique… (rires). Plus sérieusement, la première fois que la réalisatrice, Julia Ducournau, m’a parlé de son film, c’était à la fête de sa précédente réalisation, un court-métrage qui s’appelle Mange. Elle m’a dit : « J’écris mon premier long métrage mais je suis désolée, il n’y aura pas de rôle pour toi ». Après, comme on est amies, elle m’a parlé à nouveau sur cette fameuse plage, à Cabourg, en me racontant l’histoire de son film et que voilà, le personnage principal était plus vieux que moi. Mais bon, je tiens à préciser que je ne forçais rien du tout, je n’ai jamais dit à Julia, « J’peux jouer dans ton film je t’en prie ! »

Bonbon Nuit : Vous vous connaissez depuis longtemps avec la réalisatrice, Julia Ducournau, vous êtes amies.

Garance Marillier : Oui on est vraiment de bonnes amies, on est très proches dans la vie. Du coup, on a continué à se voir, comme d’habitude. Et elle me parlait de plus en plus de son film Grave. Au bout d’un moment, elle m’a dit : « Je pense beaucoup à toi pour le rôle, mais en même temps, je ne veux pas que ça me fausse dans l’écriture, donc je vais quand même faire un casting ». Et au bout d’un moment, les rôles se sont croisés. Elle a descendu l’âge de son personnage, et moi j’ai grandi ! Et à un moment donné, elle m’a confié que c’était une évidence, et elle a oublié le casting ! (rires) 

Bonbon Nuit : Une fois le scénario en main, as-tu accepté tout de suite ce premier grand rôle ?

Garance Marillier : Julia est très prévenante. Elle m’a conseillé de lui donner une réponse après avoir lu le scénario justement. Mais pour moi, c’était évident, même si elle avait écrit un film sur les arbres, je l’aurais fait. Je lui fais une confiance aveugle. Si ça n’avait pas été Julia, je n’aurais pas accepté aussi facilement, j’aurais eu peur je pense. Avec ce genre de film, ça pouvait être très vite raté. C’est audacieux et ça repose sur une réflexion profonde. Julia, elle, avait toute ma confiance. 

Bonbon Nuit : Comment ça s’est passé au moment du tournage ? 

Garance Marillier : Ce qu’il faut savoir, c’est que Julia travaille beaucoup sur le corps. C’est d’ailleurs cool car c’est ma vision du jeu aussi. On a eu une connexion immédiate, sur le plan du travail. Elle dirige ses acteurs comme une chorégraphe, elle me disait « Baisse le menton, lève les yeux, regarde plus bas » etc. Et en même temps, elle travaille sur la musicalité des intonations, des phrases… Elle mime tout. Quand elle te corrige, elle te montre comment ça doit sonner. En fait, c’est une histoire de reproduction et ça roule. 

Bonbon Nuit : Certaines scènes sont scotchantes, comme par exemple celles en soirées étudiantes. Comment était l’ambiance pendant le tournage ?

Garance Marillier : On avait des figurants complètement fous ! (rires) Pour les scènes en soirée, c’est en fait un plan séquence que l’on a tourné en une seule journée… Pour te faire une image, c’était une journée où des gens sans musique – comme il y avait du dialogue, on ne pouvait pas mettre du son – devaient danser comme des dingues. Au début, je n’étais pas à l’aise car j’ai du mal à jouer avec autant de monde autour de moi, je ne me sens pas légitime… Au début, je n’aimais pas du tout les acteurs qui se la pétaient, qui avaient un rôle plus important, du coup, j’étais toujours en retrait. Et là, c’était l’opposé, avec des figurants autant à leur aise, j’étais super bien, ça m’a tiré vers le haut. Franchement, on s’est véritablement amusés, c’était drôle ! Ça faisait plaisir aussi de voir Julia, la réal', prendre autant de plaisir ! Elle criait : « Là, c’est génial, mais continuez ! Dansez ! »

Bonbon Nuit : Venons-en à toi, à la base ce n’était pas le cinéma mais la musique qui t’intéressait ? 

Garance Marillier : Oui, à la base, je suis musicienne. Je fais de la percussion classique. Ce n’est pas de la batterie mais toutes les percussions d’orchestre, les timbales, les xylophones, etc. C’est un peu mon déterminisme social, mon père est musicien, mon frère est musicien, ma sœur a fait de la musique aussi… On a tous baigné là-dedans. C’était un peu mon destin mais j’ai dévié… Mais pour tout avouer, ça m’aide pour jouer, je pense que j’ai une oreille musicale qui me pousse à faire plus attention à la musicalité dans les dialogues. Et c’est agréable, tu retiens juste la musicalité des phrases et tu les reproduis, plutôt que de devoir à chaque fois rechercher l’émotion voulue. 

Bonbon Nuit : Qu’est-ce qui t’a amenée à jouer dans des courts-métrages ? 

Garance Marillier : Ça ne m’attirait pas du tout au départ, je laissais les tournages aux autres, je me disais que ce n’était pas pour moi. Et en fait, ma mère m’a inscrite à un casting, ils cherchaient une fille qui soit garçon manqué, ce que j’étais énormément à l’époque. Je ne le suis plus, même si j’ai gardé des côtés… bruts. Du coup, elle m’a envoyé là-bas alors que je n’avais rien demandé, et aujourd’hui, je lui dis « Merci maman ». C’était pour Junior, le court-métrage de Julia Ducournau. 

Bonbon Nuit : Et alors, comment ça s’est déroulé ? Tu as tout de suite aimé jouer ?

Garance Marillier : Alors c’est très marrant, parce que j’y suis allée en faisant sacrément la gueule. À l’époque, je faisais beaucoup la gueule (rires). Je devais faire une impro où je devais me clasher avec Julia, mais je ne savais pas que c’était la réalisatrice… C’est une histoire de gamines. Elle était censée avoir dit un truc que je n’avais pas dit. Typiquement un truc de collège, quoi. Et moi, je devais venir l’embrouiller. Sauf qu’en fait, on se répondait, et elle m’énervait, tout ce qu’elle me disait, je le prenais personnellement. Donc ça a commencé à monter, monter… J’étais excédée par Julia ! Quand je suis sortie du casting, j’étais énervée, je criais, « Mais c’est quoi cette pouf ! Elle se la raconte parce qu’elle est trop belle ». Au final, ils m’ont appelée, j’étais prise. Et quand je suis venue les voir, j’ai demandé où était la réalisatrice, et elle m’a dit : « Ben c’est moi ». (sourire) J’étais trop gênée.  

Bonbon Nuit : Dans Grave, tu es déterminée, battante. Ça te ressemble au quotidien ?

Garance Marillier : Je suis battante oui, et c’est un truc que je défends. Comme mon personnage, Justine, on a des valeurs, un honneur à défendre, c’est rare de voir des gens aujourd’hui qui s’accrochent et qui ne cèdent pas. J’essaie de faire ça dans ma vie de tous les jours. Après, je suis comme tout le monde, j’aime aller au cinéma, sortir, écouter de la musique, rien d’extraordinaire… Mais le côté déterminée, c’est clair, je peux m’identifier à Justine à 100%. Il y a une scène où elle se fait mal plutôt que de faire mal… 

Bonbon Nuit : A la fin du tournage de Grave, comment t’es-tu sentie ? Chamboulée ? 

Garance Marillier : On m’a tout le temps dit pendant le tournage que ça allait être horrible à la fin, que j’allais avoir un vide. Ben non, j’avais juste envie de dormir. J’avais des bleus partout, j’étais HS. J’ai tellement joué avec mon corps dans le film que j’en suis sortie blanche et crevée. Mais heureuse. Mais mon corps était épuisé. Je ne pouvais pas donner moins de moi.

Bonbon Nuit : Quels sont tes projets à venir ? 

Garance Marillier : Je vais continuer le cinéma, c’est ce que j’ai envie de faire après mon bac. Je suis dans une école, qui s’appelle l’École du Jeu. C’est une école formidable, basée sur le corps – encore ! Je pense que tout passe ou tout commence par là, amener le jeu par le corps. Je vais faire un cycle de trois ans, en intensif, là-bas. Je ne suis pas scolaire donc pas de fac pour moi, j’ai toujours été un cancre ! Dans la vie de tous les jours, je suis super discrète, mais dès que je suis en cours, le diable se réveille en moi et je suis insupportable ! Ma mère, quand j’étais plus jeune, elle se retrouvait tous les jours à la sortie de l’école face à mon prof qui lui disait, « Madame, faut qu’on parle ! ». (rires) On m’appelait Garance la terreur à l’école ! 

Bonbon Nuit : Parlons de Paris, es-tu une vraie Parisienne ?

Garance Marillier : Je suis une made in Paris oui ! Pure Parisienne. Je suis née dans le 13e et j’habite dans le 20e. Mon café préféré, mon QG, c’est le Bariolé, j’y suis souvent avec toutes mes potes. J’aime tellement ce quartier, après, je suis dans le côté un peu ghetto. Ça commence par contre à devenir un quartier bobo. J’ai grandi avec des cailleras, j’aime bien les mélanges, je m’en fous. J’ai dû aller dans le 5e, ça m’a mis un coup ! 

Extrait du Bonbon Nuit n°72 - Mars 2017, par Stéphanie Chermont.

À VOIR AUSSI

À LIRE AUSSI