Encore un reboot. J'étais tout sceptique avant le visionnage de ce film, je ne voulais même pas y aller pour être honnête, et puis un pote, qui comme moi avait adoré la version animée de 1995, m'a convaincu en me disant que « quand même ça a l'air chanmé ». Devant la toute puissance de cet argument, il a bien fallu que je laisse une chance à ce Ghost in the Shell moderne. Grand bien m'en a pris, j'ai kiffé de ouf. On est moderne ou on ne l'est pas.
La grande crainte qui m'habitait pouvait se résumer en deux questions : pourquoi faire un film tout pareil quand les deux animes de 1995 et 2004 se suffisaient clairement à eux-mêmes ? Complexes et nécessitant au moins les deux films pré-cités pour qu'on arrive à une quelconque compréhension de ceux-ci, comment le nouveau film allait-il traiter des thèmes fascinants du transhumanisme et de la cybernétique, déjà admirablement abordés d'un point de vue philosophique dans les versions antérieures, en un temps et avec des moyens restreints ? Je dis des moyens restreints parce qu'a priori, on peut tout faire avec un crayon et du papier pour pas grand-chose. La technologie a des limites, pas l'imagination.
La réponse à la première m'est personnelle, mais je n'en vois qu'une : pour faire des ronds. Quant à la deuxième question, la réponse me surprend encore : admirablement. Oui, car Ghost in the Shell est franchement réussi, j'irais même jusqu'à dire que c'est un bon film, au-delà d'un bon blockbuster. Les intentions sont donc mauvaises, mais la réalisation est superbe. Qu'est-ce qui compte dès lors ? En tant que spectateur égoïste, je dirais mon bon plaisir. Et Dieu sait que j'en ai pris.
Laissons donc les considérations ethiques et pécuniaires derrière nous pour ne nous consacrer qu'à l'immense et suprenant kiff qu'on a pris pendant un peu moins de deux heures. Le premier choc est visuel : l'environnement cyber-punk un peu crado de l'anime laisse place à un déferlement de couleurs flashy - du rose, du vert pomme - qui viennent habiller la multitude d'hologrammes publicitaires recouvrant les immeubles de la ville. C'est tellement beau que, bizarrement, on a presque hâte d'être dans le futur. De même les personnages, le Major (Scarlett Johansson) en tête, se détachent avec une netteté hyperréaliste des magnifiques environnements imaginés par Rupert Sanders. On avait peur qu'un film fait essentiellement d'images de synthèse propose une esthétique trop artificielle, c'est presque l'inverse qui se produit, tout cela étant d'une beauté futuriste à couper le souffle.
L'identité esthétique du manga est donc respectée, voire améliorée, mais qu'en est-il alors de l'histoire ? En reproduisant nombre de scènes de l'anime à l'identique tout en simplifiant quelque peu le récit pour le rendre plus réaliste - ou conforme aux canons du spectacle occidentaux -, Rupert Sanders se fend avec brio d'une véritable performance : satisfaire les nostalgiques forcément sceptiques tout autant que les cinéphiles accros à l'adrénaline. Le réalisateur parvient même à insuffler un souffle poétique et humaniste à cette histoire originellement dystopique. En cela cependant, il trahit quelque peu l'idée de départ, ce qui en décevra sûrement certains.
Ce nouveau Ghost in the Shell est quelque part à l'image de son héroïne : une fusion très plaisante et efficace de la sensibilité humaine et de l'efficience technologique. Chan-mé !
Ghost in the Shell, de Rupert Sanders
Avec Scarlett Johansson, Pilou Asbæk, Juliette Binoche
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