Cette semaine, Mon amie journaliste s'interroge sur un sujet d'actualité brûlant qui nous touche tous : comment survivre quand on porte un prénom de vieille dame.
Ami lecteur, je m'appelle Élodie (j'ai bien conscience que je lève un voile de mystère en révélant cette information, mais tant pis).
Les plus belles années de ma vie avec ce prénom ont été celles que j’ai passées à Londres. On me faisait répéter, je disais « it’s like Melody with no M », les gens faisaient « Ooooooooh… Elody… », c’était merveilleux. Deux des amis que je me suis faits là-bas ont même mis "Elody" sur la liste des prénoms envisagés pour leur premier né. J’avais l’impression d’être Madonna,mais, hélas, je suis retournée vivre en France.
Le week-end dernier, j’étais chez une amie du nom d’Élodie, et alors qu’arrivait une troisième Élodie, j’ai dû me rendre à l’évidence, je porte un prénom banal. Mais j’ai découvert bien pire que ça : je porte surtout un prénom daté. Sur les conseils d'une de mes camarades Élodie, j’ai fait quelques recherches, ami lecteur. Regarde-moi ça :
Ma mère n’avait pas complètement tort en prétendant que son choix était transgressif, voire punk : le prénom n’existait quasiment pas avant les années 80. Sauf qu’entre 1980 et 1990, les jeunes parents ont été pris d’une fièvre d’Élodie, au point que c’est devenu le prénom féminin le plus donné en France pendant plusieurs années consécutives.
Ensuite, et comme il fallait s’y attendre, les gens l’ont tellement entendu qu’ils en ont eu ras-le-pompon, et Élodie a lentement dégringolé dans le classement. Aujourd’hui, c’est malheureux, mais plus personne en France ne songerait à appeler sa fille comme moi.
Ce qui veut dire, ami lecteur, que dans 30 ans, s’appeler Élodie sera l’équivalent de s’appeler Germaine aujourd’hui. Ce sera un prénom exclusivement ancré dans les années 80, et donc, un prénom de vieille dame. Terrible constat, mon prénom est victime d’obsolescence programmée.
C’est-à-dire qu’à la limite, il aurait mieux valu que mes parents m’appellent "Henriette", qui aurait au moins eu une chance de redevenir à la mode, en vertu de l’étrange phénomène actuel qui consiste à chercher son inspiration sur les tombes des victimes de la guerre de 39-45 (Marcel, Jeanne, Ferdinand).
Si j’avais fait preuve d’un peu plus de motivation à 15 ans, on m’appellerait Natacha à l’heure qu’il est ; si j’avais été plus convaincante à 7 ans, ma mère aurait compris son erreur et m’aurait dit « ok, va pour Anastasia ». Mais non. Je suis Germaine.