On a toujours plus de potes, toujours plus de rencards. Et pourtant, on trie fiévreusement nos amis facebook en se demandant pourquoi on like encore les posts de gros cons. Certains ont trouvé la solution à cette maladie de l'hyper-sociabilité. Ça s'appelle le ghosting. Nouvelle habitude inoffensive ou traduction d'un mal-être social ?
La totale cessation de toute communication. Rien. Rien sur les réseaux sociaux, no messages, pas de snap. Même pas un like. L'interlocuteur est devenu poussière, une ombre qui ne fut que passagère dans la courte vie d'une relation, d'une amitié, d'un kif, d'un verre ou d'un match Tinder. Abusé.
L'expression semble venir de la rupture de Sean Penn et Charlize Theron en 2015. La blonde aurait « apparemment ghosté Sean » nous explique notre contact à NYC, provocant la séparation du couple mythique. Un break up surtraité par les médias people serait donc à l'origine de ce nouveau mot. Merci "Closer" et compagnie.
Rapidement vulgarisé dans le langage courant, le mot se décline à toutes les sauces pour bientôt signifier diverses formes de disparition d'un individu auprès de… n'importe qui. Mais surtout des meufs. Selon une étude, presque deux fois plus de femmes que d'hommes se font ghoster. Cependant, elles ghostent plus que les hommes. Ghosteuses et ghostées proportionellement, elles masterisent dans l'art de la non-réponse aux textos... et du recalage.
Pratique féminine ou pas, les chiffres révèlent la célébrité globale de cette pratique. Mais pourquoi ghoster, alors qu'un simple texto ferait l'affaire ?
Mais ghoster, c'est pas juste se débarrasser du relou du lycée qui vient nous parler dès qu'on est connecté. « En réalité, le ghosting est une pratique hétérogène », nous explique Antoine, un jeune français installé à New-York depuis 5 ans, « il existe mille façons de ghoster. »
Et si on s'intéressait un peu aux différents profils de ghosteurs ? À ceux qui ghostent comme il respirent, ou pour être libres ? À ceux pour qui ghoster est devenu une nécessité ? Eh oui, il existe une myriade de façons différentes de ghoster, des degrés de ghosting, des habitudes de ghostage... On a enquêté et identifié trois profils de ghoster : voici un échantillon d'une pratique dramatique.
Les ghost-profiles en page 2
Le serial-ghoster
Ghoster, c'est en fait une façon moins douloureuse et plus efficace de zapper quelqu'un. Dans les grandes capitales du monde, les célibataires font la loi. « A NYC, il y a beaucoup de célibataires qui ont des relations diverses et pas très construites » précise Antoine. « Ils draguent sur plusieurs tableaux et sont devenus experts de l'esquive ». Le serial-ghoster, c'est celui qui prend son pied à rencontrer, utiliser, et ghoster.
Il ou elle n'a que très peu de vrais amis, et s'enivre d'éphémère et de renouveau dans le seul but de plaire. Et de se satisfaire. Un rapide entretien avec une Parisienne ghosteuse nous informe que « c'est normal, tout le monde fait ça et c'est le jeu ! ». Donc, de celui qui n'assume pas son date au beau (belle) gosse ultra séducteur(rice), le serial-ghosteur fait des ravages. Jouera, jouera pas ? C'est toi qui vois !
Le ghoster torturé
Un ghoster professionnel de 26 ans, qui a disparu complètement auprès de ses potes, explique : « J'avais trop de trucs à gérer, une nouvelle copine et surtout, l'impression que j'avais une vie plus sérieuse qui m'attendait ». Ghoster est devenu une libération, une façon de se sortir de ses relations oppressantes, et il l'a fait sans aucun scrupule.
« Alors que ça semblait être la bonne solution pendant un moment, je me suis fait avoir. Plus ça allait plus je ghostais, et je n'ai pas réussi à m'en sortir ». En retrospective, et après des séries de crises d'angoisse, il se rend compte qu'il s'est isolé et n'a jamais réussi à recréer des relations de qualité. C'est alors que le ghosting devient le symptôme d'une immaturité émotionnelle, d'un mal-être social et d'une génération en péril. À surveiller.
Le ghoster calculateur
Il n'a pas le temps. Il est ambitieux et il est branché. Il y a les gens importants, et ceux qui ne le sont pas. C'est le pire des ghosteurs, il choisit particulièrement bien ses cibles, réfléchit bien et frappe les plus vulnérables. En quête d'un meilleur réseau, de relations sociales stratégiques et d'une amélioration maximale de son quotidien, il élimine tout parasite social.
En plus, ce connard ne s'en excuse même pas. Zéro considération envers les autres et plein d'égoïsme latent, ce ghosteur par intermittence porte tous les fléaux de notre génération. « Moi, au lycée, j'étais un peu has-been, et mes potes aussi. J'ai changé, maintenant j'habite à Paris et j'avoue je suis plus sélect. Je veux des amis qui me tirent vers le haut, tu vois quoi » nous explique un ghoster calculateur. Berk.
Maladie d'une génération qui peine à aller au-delà des relations fragiles ? Les trois profils énumérés ci-dessus, et le cas Penn-Theron (aussi peu représentatif soit-il, avouons-le), dénoncent une pratique en vogue, qui pourrait empiéter sur notre lien social et sur notre solidarité.
Mais, est-ce l'origine du ghosting ou ses effets qui sont les plus dérangeants aujourd'hui ? Pour l'instant, la pratique oscille entre mauvaise habitude justifiable et malaise d'un relationnel qui s'altère. De la difficulté à assumer les pressions d'autrui à une immaturité relationnelle, en passant par une incompréhension du fonctionnement des relations humaines, le ghosting représente un phénomène psycho-social à surveiller.