Le casse-couille
L’œil luisant, le ventre bedonnant, ce pilier de comptoir enchaîne pinte sur pinte avec ses potes guère moins reluisants. Lourdingue, il se retourne pour la 50e fois dans votre direction en riant grassement. Ce mec qui passe sa vie en marcel porte ici son faux t-shirt Gucci lorsqu’il est de sortie et se prend pour Matt Pokora un soir d’Olympia. Vague impression de l’avoir croisé sur Badoo, un soir de déchéance en vacances. Vous priez pour qu’il zieute plutôt Cindy, votre copine bonasse, plutôt que vous, le raffinement incarné. Joie et désespoir, vous avez belle et bien une touche ce soir. Dario vous coince aux p’tits coins lorsque vous sortez des cabinets et tente avec classe une approche de loup esseulé. Si vous le suivez par erreur jusqu’au comptoir, il ne vous proposera pas à boire mais des cacahuètes. Parce qu’il est à sec.
Sa phrase d’accroche : C’est pas du jasmin ton parfum ? (Aux chiottes, c’est charmant…)
Le minet
Androgyne, moulé dans son petit slim, ce mec au look BCGB étudié et à la mèche qui défie les lois de la gravité est encore plus apprêté que pour un rallye. Une remarque désagréable sur son look propret et son polo rose rayé Eden Park et monsieur prend la mouche : on a le style ou on ne l’a pas, si t’apprécies pas on n’est pas dans la même sphère meuf désolé... Parfois il tente des audaces vestimentaires et joue au rebelle en gueulant sur du AC/DC, mais il est plus du genre à jouer au golf le week-end qu’à aller descendre une cascade en rappel. Superficiel, ce mec swipe des nanas à la pelle sur Tinder, attendant qu'elles viennent lui parler en premier. Un peu snob, il reluque l’assemblée d’un air suffisant et ne daigne pas nous adresser un regard, sauf s’il a un service à demander. Comme une clope, dehors, un peu penaud de cet échange sans saveur. Il a lu dans "GQ" que paraître inaccessible rendait folle les filles et applique cette méthode avec le plus grand sarcasme.
Sa phrase type : Tu connais un endroit où je peux me trouver des Gauloises (les clopes d’Orson Wells siouplaît) à Paname ?
Le mec sympa
Vous voyez, c'est le genre de mec avec qui vous traînez tous les jours, celui avec qui vous aimez boire des verres au Panic Room ou au Nüba. Vous êtes d'ailleurs en train de vous déhancher sur de l’électro pendant que lui fume sa clope au fumoir. Vous priez pour qu’il arrête de reluquer votre copine bonasse plutôt que vous (et cela vous étonne de penser ainsi). Oui tu lui tiens la main là en ce moment, à la sortie du bar « oui fin c'est parce que je suis bourrée » ; excuse de merde. Tu le kiffes. T'assumes pas. Il incarne en rien ton fantasme, et tes potes se moquent gentiment. Mais c'est quand même un mec super sympa.
Sa phrase type : Tu es vraiment un fille géniale Marie, tu es comme ma sœur ! (Aux chiottes c’est charmant…)
Le Dandy bobo ascendant hipster
Look décalé au poil et barbe négligée savamment étudiée, hipster à bonnet à ses heures, ce mec est un concept à lui seul : un mélange hybride entre coolitude et self-control. L’œil pétillant et vif de celui qui a de l’esprit, sourire en coin de celui qui aime faire le malin, il enchaîne vanne sur vanne et charme son auditoire par de jolies pirouettes, histoires absurdes et autres figures de style un tantinet désuètes. Malléable, il s'adapte à son public et a du vocabulaire : il alterne références geeks, littéraires et humour grivois. Ce mec a le sens de la répartie et fait des ravages en vidéo sur Tutti Flirty mais se plaît à se rassurer sur son potentiel IRL en soirée. Gourmette au poignet, lunettes à écailles, chemise imprimée, veste en tweed, pantalon chino rouge briques, derbies aux pieds et nœud pap’ pour les grandes occasions, monsieur a un look soigné. Il ne te demandera pas ce que tu fais, il préfère consulter ton profil LinkedIn. Bon, il faudra quand même l'avouer il est plutôt sexy (et ça il le sait). Attention mesdames à ne pas le vexer, le Dandy est susceptible sous ses airs décontractés.
Sa phrase type : Après moult tergiversations, accepterais-tu incessamment sous peu de m’accompagner te rincer le gosier au bar ?
Le Rockeur
Allure londonienne et grunge avec son perfecto en cuir Piccadilly, son t-shirt déchiré et son slim noir, regard pas très frais, le rockeur est brun et traîne dans des lieux alternatifs et enfumés où s’épanouit sa culture musicale pointue. Il aime s’encanailler dans bars branchés et caves secrètes où il improvise des bœufs avec ses potes. Rebelle au grand cœur, c’est un séducteur maladroit. Feignant, ce type préfère que Once lui désigne une nana par jour, comme c’est le nouveau concept hype dont "les Inrocks" lui rebattent les oreilles.
Sa phrase type : Tu sais où je peux me trouver du speed propre dans le coin ? Ça développe ma créativité pour approcher une gazelle dans ton genre.
Le bon mec/celui qu’on n’attendait pas
Happy hour dans votre bar branché préféré. Accoudé à quelques mètres, un barbu soigné observe notre manège pour tenter de capter l’attention du serveur, totalement dépassé. On croise son regard, il abandonne sa pinte et se fraie un passage jusqu’au comptoir où il hèle le serveur avec sa voix chaude... Dans la bousculade, il fait tomber son Nokia, et l’on s’empresse de plonger avec vigueur au sol pour le ramasser. On sort une petite vanne sur son antiquité, il nous remercie avec un sourire désarmant. Old school, il n’a pas d’applis, au moins ce mec fait des rencontres IRL. Il préfère un modèle vintage car il n’est pas matérialiste. Aussi maladroit que nous, c’est déjà un bon point. Et un prétexte pour lâcher nos potes et engager la conversation, dehors autour d'une clope, parce qu’on s’entend mieux. Il nous parle de son road trip aux quatre coins du globe ou de sa banale existence et nous fait rire (c'est rare). Attentionné, il nous prête sa chaude veste lorsqu’il voit qu’on commence à claquer des dents. On s’imagine déjà voler au 7e ciel avec lui.
Sa phrase type : « Tu veux que je t'appelle un Uber pour rentrer ? je voudrais pas qu'il t'arrive quelque chose. »
Texte : Charlotte Strady