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[PORTRAIT] Thomas Segaud, souffleur de verre et de rêves à Paris

Publié le 19 janvier 2024 à 16h00

Modifié le 22 janvier 2024 à 09h55

par Lucie Guerra

« Là on va souffler une pièce pour la série Napoléon. Ils m’ont contacté vendredi, ça doit être prêt pour dimanche. » Pas une seconde à perdre, Thomas Segaud entre dans le vif du sujet. De ses deux bras tatoués, il saisit une longue tige en métal et cueille le verre en fusion, chauffé à environ 1200°C, qu’il s’apprête à tourner pour obtenir l’objet désiré. Comment sait-il quelle quantité prendre ? « J’ai 15 ans de métier. C’est un peu comme la musique, c’est à force de faire », affirme l’artisan en souriant.


©Lucie Guerra

Tel un chef d’orchestre pour lequel la partition n’aurait plus aucun secret, le souffleur de verre de 40 ans exécute les gestes avec une précision et une rapidité déconcertantes. Dans cet atelier arcueillais dont il a fait l’acquisition il y a deux mois seulement, tout est organisé pour que les actions puissent s’enchaîner sans encombre. Il saisit le verre liquide, le moule, le souffle « comme un chewing-gum, pour lui donner du volume ». Son bras gauche, celui maintenant la tige, est en mouvement constant. « Si on s’arrête de tourner, la matière tombe vers le bas », explique-t-il. À ses côtés à l’atelier ce jour-là, Charles, un « pote de pote » qu’il connait depuis trois ans. Tandis que son assistant de l’après-midi souffle, Thomas, muni d’un unique papier journal mouillé et plié en six, donne progressivement cette forme ronde au verre bouillant. Dans sa main, il tient « plus de 1000 degrés ».


©Lucie Guerra


Une bonne dose de discipline et de persévérance

« Il n’y a pas de secret, il faut avoir de l’expérience », lance-t-il face à notre mine décontenancée. Une affirmation que son ami confirme par un hochement de tête. Et l’expérience, c’est à partir de ses 17 ans qu’il se la forge. Comme Obélix est tombé dans la marmite du druide, Thomas a lui aussi trouvé sa potion magique avec le verre. « Je suis passé devant un atelier, j’ai kiffé, j’ai vu qu’il y avait une école et je me suis lancé », résume-t-il. Un métier coup de cœur, une passion pour laquelle il est prêt à travailler tous les jours de la semaine et faire des sacrifices. « C’est un métier qui s’est essoufflé. Mais j’étais discipliné et persévérant et je n’ai jamais manqué une journée de taff. »


©Lucie Guerra

Ses inspirations ? « Le rock », répond-il de but en blanc. La musique de fond, les têtes de mort en verre dissimulées ici et là, le bracelet en cuir, les tatouages et les vêtements sombres nous avaient mise sur la piste. Un genre musical qui, comme le verre encore liquide, est empli de « mouvement, d’incandescence, de chaleur, de risque ». Si des commandes lui sont régulièrement passées, le souffleur de verre développe également son propre catalogue rassemblant vases, lampes et même... des sextoys.


Un atelier et lieu de vie à part entière

Désormais, il se donne pour mission de dynamiser cet endroit dans lequel il a récemment posé ses valises. Un salon de tattoo par ici, un espace pour faire de la musique là… Il souhaite faire de son atelier un lieu de vie où se mêlent ses passions.


©Lucie Guerra

Régulièrement, il organise des ateliers où tout un chacun peut s’essayer au soufflage de verre. « Les gens peuvent vraiment découvrir la matière qu’on travaille, voir que tout est fait à la main, prendre conscience de la vraie valeur des choses », explique-t-il. Parmi ses meilleurs souvenirs en lien avec sa profession, celui de voir ses cours complets pendant 6 mois. Et quand on lui demande son pire, l'artisan répond : « Je n’en ai pas vraiment. J’ai trouvé un équilibre. Je sais pourquoi je me lève tous les jours, c’est grâce à mes élèves. »


Thomas Segaud
Glass Creations

1, rue Pixerecourt – 20e
Tél. : 06 70 02 06 50
Site internet

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La série Adolescence sera diffusée dans les collèges et lycées britanniques

Publié hier à 20h00

par Flora Gendrault

Downing Street l’a officiellement annoncé en début de semaine : la mini-série Adolescence, sur toutes les lèvres depuis sa sortie, sera bel et bien diffusée gratuitement dans les collèges et lycées britanniques. Une mesure initiée par le Premier ministre Keir Starmer lui-même, qui avait publiquement pris la parole pour vanter les mérites d’un programme extrêmement bien mené et instructif, soulevant des questions sociétales cruellement d'actualité


Prouesses technique et scénaristique  

Adolescence a beau n’être sortie qu’à la mi-mars, c’est peut-être déjà la meilleure série de l’année. En débarquant sur Netflix, et sans avoir pourtant fait l’objet d’une campagne promotionnelle démesurée, elle a immédiatement reçu un accueil extrêmement favorable de la presse et des spectateur·rices, et ce aux quatre coins du globe. 

Un coup de maître des créateurs, Jack Thorne et Stephen Graham, lesquels sont parvenus à mettre en scène de manière magistrale les causes et conséquences du meurtre de Kathy, adolescente de 13 ans, poignardée à de multiples reprises par Jamie, un camarade de classe du même âge. Le tout en (seulement) quatre épisodes tournés intégralement en plan-séquence, renouvelant ainsi cette technique largement exploitée au cinéma, moins sur le petit écran, autour d’un récit nerveux traitant de thématiques liées à la jeunesse. 


Dénoncer la spirale du masculinisme
 

Ces thématiques, quelles sont-elles ? Le harcèlement scolaire, la construction de genre sur les réseaux sociaux, et notamment la culture "incel", ces hommes involontairement célibataires qui accusent les femmes de les rejeter. Dans Adolescence, en immersion au cœur d’un commissariat, puis d’une école, et enfin d’une maison de famille, on comprend que Jamie (époustouflant Owen Cooper, nouveau prodige du milieu), élevé à la dure, impopulaire, s’est peu à peu enfermé dans la spirale du masculinisme, jusqu’à commettre un féminicide. Une misogynie alimentée par son activité sur Internet, où se créent de nombreuses communautés réactionnaires, séduites par la théorie du 80/20 d’Andrew Tate, selon laquelle 80% des femmes ne seraient attirées que par 20% des hommes. 


De l’ordinateur au Parlement 

Au Royaume-Uni, terre de tournage mais aussi théâtre d’attaques de même nature ces dernières années, Adolescence a connu une résonnance toute particulièrement. Jusqu’à dépasser les frontières de l’écran : la série a ravivé le débat sur l’utilisation des téléphones, mais aussi sur l’éducation, levier essentiel pour déconstruire les idéologies véhiculées sans régulation sur le web. Diffuser Adolescence au palais de Westminster ainsi que dans les collèges et lycées depuis une plateforme partenaire à Netflix, comme l’avaient publiquement encouragé la députée travailliste Anneliese Midgley, puis Keir Starmer, en marque la première étape. 

« C'est une initiative importante pour encourager le plus grand nombre possible d'élèves à regarder le programme », a déclaré le Premier ministre, qui a lui-même vu la série avec ses enfants adolescents, comme 66 millions de personnes en deux semaines sur Netflix. Un record pour une mini-série britannique ! 


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