« Là on va souffler une pièce pour la série Napoléon. Ils m’ont contacté vendredi, ça doit être prêt pour dimanche. » Pas une seconde à perdre, Thomas Segaud entre dans le vif du sujet. De ses deux bras tatoués, il saisit une longue tige en métal et cueille le verre en fusion, chauffé à environ 1200°C, qu’il s’apprête à tourner pour obtenir l’objet désiré. Comment sait-il quelle quantité prendre ? « J’ai 15 ans de métier. C’est un peu comme la musique, c’est à force de faire », affirme l’artisan en souriant.
©Lucie Guerra
Tel un chef d’orchestre pour lequel la partition n’aurait plus aucun secret, le souffleur de verre de 40 ans exécute les gestes avec une précision et une rapidité déconcertantes. Dans cet atelier arcueillais dont il a fait l’acquisition il y a deux mois seulement, tout est organisé pour que les actions puissent s’enchaîner sans encombre. Il saisit le verre liquide, le moule, le souffle « comme un chewing-gum, pour lui donner du volume ». Son bras gauche, celui maintenant la tige, est en mouvement constant. « Si on s’arrête de tourner, la matière tombe vers le bas », explique-t-il. À ses côtés à l’atelier ce jour-là, Charles, un « pote de pote » qu’il connait depuis trois ans. Tandis que son assistant de l’après-midi souffle, Thomas, muni d’un unique papier journal mouillé et plié en six, donne progressivement cette forme ronde au verre bouillant. Dans sa main, il tient « plus de 1000 degrés ».
©Lucie Guerra
Une bonne dose de discipline et de persévérance
« Il n’y a pas de secret, il faut avoir de l’expérience », lance-t-il face à notre mine décontenancée. Une affirmation que son ami confirme par un hochement de tête. Et l’expérience, c’est à partir de ses 17 ans qu’il se la forge. Comme Obélix est tombé dans la marmite du druide, Thomas a lui aussi trouvé sa potion magique avec le verre. « Je suis passé devant un atelier, j’ai kiffé, j’ai vu qu’il y avait une école et je me suis lancé », résume-t-il. Un métier coup de cœur, une passion pour laquelle il est prêt à travailler tous les jours de la semaine et faire des sacrifices. « C’est un métier qui s’est essoufflé. Mais j’étais discipliné et persévérant et je n’ai jamais manqué une journée de taff. »
©Lucie Guerra
Ses inspirations ? « Le rock », répond-il de but en blanc. La musique de fond, les têtes de mort en verre dissimulées ici et là, le bracelet en cuir, les tatouages et les vêtements sombres nous avaient mise sur la piste. Un genre musical qui, comme le verre encore liquide, est empli de « mouvement, d’incandescence, de chaleur, de risque ». Si des commandes lui sont régulièrement passées, le souffleur de verre développe également son propre catalogue rassemblant vases, lampes et même... des sextoys.
Un atelier et lieu de vie à part entière
Désormais, il se donne pour mission de dynamiser cet endroit dans lequel il a récemment posé ses valises. Un salon de tattoo par ici, un espace pour faire de la musique là… Il souhaite faire de son atelier un lieu de vie où se mêlent ses passions.
©Lucie Guerra
Régulièrement, il organise des ateliers où tout un chacun peut s’essayer au soufflage de verre. « Les gens peuvent vraiment découvrir la matière qu’on travaille, voir que tout est fait à la main, prendre conscience de la vraie valeur des choses », explique-t-il. Parmi ses meilleurs souvenirs en lien avec sa profession, celui de voir ses cours complets pendant 6 mois. Et quand on lui demande son pire, l'artisan répond : « Je n’en ai pas vraiment. J’ai trouvé un équilibre. Je sais pourquoi je me lève tous les jours, c’est grâce à mes élèves. »
Thomas Segaud
Glass Creations
1, rue Pixerecourt – 20e
Tél. : 06 70 02 06 50
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