Du 13 octobre au 28 janvier, la dame en noir investit massivement la Philharmonie de Paris. Son rocking chair, ses pianos, ses textes de conteuse hors-pair : tout y est. Cette expo est une pépite rare dans laquelle on déambule joyeusement comme dans un grenier rempli de trésors réconfortants, et qui nous ravit par la qualité de sa scénographie.
« Il ne faut jamais revenir au temps caché des souvenirs, du temps béni de son enfance. Car parmi tous les souvenirs, ceux de l'enfance sont les pires, ceux de l'enfance nous déchirent. » C’est sur les paroles du titre Mon Enfance que l’exposition débute. On parcourt les errances d’une jeune fille juive qui se cache comme elle peut pendant la guerre. Monique Cerf naquit le 9 juin 1930 et traversera la France avant de choisir la voie de la chanson. C’est la rencontre avec Madame Thomas Dusséqué, professeur de chant, qui va bouleverser son destin.
Des débuts difficiles aux premiers succès
Nous voici plongés dans les débuts de Monique Cerf qui devient Barbara, jeune chanteuse qui veut faire sa place. Elle raconte Bruxelles, les cabarets, la faim, la galère. « Je n’avais plus peur de rien, j’aurais traversé les murs, par ma certitude de chanter un jour », peut-on lire. L'expo retrace la détermination de la chanteuse au profil atypique et nous emporte dans cette quête qui va la mener au public. A « sa plus belle histoire d’amour ».
Barbara à Bruxelles, années 1950 © DR Jean Soulat
On découvre la construction du personnage de Barbara, elle maigrit, sa voix évolue et elle se pare de noir systèmatiquement sur scène. Mais surtout, après avoir chanté Brel ou Brassens, la chanteuse commence à écrire ses propres morceaux. Dans l'exposition, on revit la première de Nantes qui laisse le public bouleversé. Ce premier titre déchirant raconte le décès de son père, perdu de vue depuis des années. On avance et on tombe sur une reproduction de l’Ecluse, cabaret du Quartier latin qui a vu Barbara devenir l’icône de la chanson française que l’on connaît. On s’assoit sur une petite chaise en bois, un filet de marin est accroché au mur et on est ému face à l’écran qui diffuse Dis, quand reviendras-tu. Vinyles, affiches, manuscrits de chansons : on a la tête qui tourne.
Manuscrit de la chanson Nantes de Barbara, 1963
Barbara en toute intimité
Petit à petit se dessine une Barbara gouailleuse, séductrice, extrêmement drôle, qui se joue des journalistes aux côtés de Jacques Brel. Dans une interview donnée à Denise Glaser de Discorama, on la revoit défendre ses convictions, sans filtre : « Ce métier merveilleux, c’est de refaire chaque seconde, on ne peut pas tricher. » Il y a dans cette rétrospective des archives extrêmement rares, comme cette photo d’étudiants allemands qui transportent un piano pour permettre à Barbara de jouer à Göttingen. Un concert qui lui inspirera la célèbre chanson au nom éponyme.
Barbara, 1969 © Claude Delorme
Dans la dernière salle, le piano de Précy, dernier lieu de vie de Barbara, trône. Un vieux répondeur diffuse les messages que la chanteuse laissait à ses amis, de sa voie chantante et haletante. Des documents rares qui nous donnent l’impression de percer une partie du mythe et de se sentir tout proche de la mutine, profonde, insondable Barbara.
On découvre aussi des facettes moins conues de la chanteuse. Comme Barbara allant secrètement chanter dans les prisons pour femmes, distribuant en précurseuse des préservatifs pendant ses concerts ou ouvrant une ligne téléphonique pour parler avec les malades du SIDA.
A la fin de l’expo, une centaine de messages de visiteurs témoignent de leur attachement à la chanteuse au rocking chair. L’exposition la plus complète jamais réalisée sur elle. Une claque sonore et visuelle.
Barbara à la Philharmonie
221, avenue Jean-Jaurès - 19e
Du 13 octobre au 28 janvier