Expo : « Tenue correcte exigée, quand le vêtement fait scandale »

undefined 1 décembre 2016 undefined 00h00

Olivia

Qu’on le veuille ou non, les vêtements que l’on porte ont une certaine importance. Ils déterminent l’image que l’on renvoie, ils nous donnent confiance en nous, peuvent être un signe de rébellion ou même de soumission. Au cours de l’histoire de la mode, nombreux sont les scandales ayant éclatés à cause de certaines pièces, parce qu’elles créaient une rupture dans l’ordre établi. Avec son exposition « Tenue correcte exigée, quand le vêtement fait scandale », le musée des Arts déco revisite toutes ces pièces devenues emblématiques, mais qui ont tant choqués à certaines époques. L'expo s'articule autour de trois axes, le vêtement et la règle, Est-ce une fille ou un garçon ? et la provocation des excès. Après une visite en avant-première, on vous dit ce qu’on en a retenu ! 

Le vêtement et la règle, deux choses intrinsèquement liées

La première oeuvre que tu verras est un portrait d’Adam et Eve. Car tu le comprendras vite tout part de ce couple emblématique. Au Paradis terrestre, les deux personnages vivaient nus, et ce n’est qu’au moment de leur expulsion pour avoir pêchés qu’ils reçoivent un vêtement pour cacher leur nudité. C'est pourquoi du Moyen-âge au XVIIIe siècle, le vêtement est synonyme de faute – il est donc indispensable qu'il soit sobre et discret.

Depuis lors et encore aujourd'hui, le vêtement est associé à un règlement, il doit respecter certaines normes, certaines idéologies – telles que le machisme. Tu entendras alors en fond sonore « l’affaire Duflot », lorsque la ministre avait été la cible de sifflement un jour où elle s'était présentée en robe à fleurs dans l’hémicycle. A l'époque, un portrait de Marie Antoinette vêtue d’une robe chemise peinte par Elisabeth Vigée - Le Brun avait suscité de nombreuses critiques. 

Atelier de Lucas Cranach l’ancien. Adam et Eve. 1ère moitié du XIVe siècle – Paris, Musée des Arts décoratifs

Est-ce une fille ou un garçon ?, l'androgynie au coeur de la polémique

Le travestissement a depuis longtemps fait scandale. De Jeanne d’Arc qui s’est vu décrier pour oser porter des vêtements d’homme jusqu’à la mode unisexe qui s’installe à partir des années 60, il a toujours été compliqué de s'approprier des habits "réservés" au sexe opposé. Or, les femmes ont toujours aimé porter des vêtements d'hommes : chapeaux, vestes, chemises. Mais le port du pantalon pour ses dames n’est possible qu’à la chasse par exemple.

Dans l’Angleterre des années 50, la femme doit porter des robes à la taille bien marquée ou des jupes amples. Petit à petit les femmes arrivent à démocratiser ce look androgyne – Marlene Dietrich avec le smoking qu’elle porte dans Cœurs Brûlés en 1930 ou encore Gabrielle Chanel dans les années 20 avec ses tailleurs sans artifices. C’est évidemment l’iconique smoking pour femme créé par Yves Saint-Laurent en 1966 qui changera les choses à jamais : le pantalon a désormais sa place dans le vestiaire féminin. A noter tout de même que le décret abrogeant la loi de 1800 interdisant les femmes de porter un pantalon n’a été voté qu’en 2013 !

En revanche, on ne peut pas en dire de même pour les hommes. Il existe certes quelques pièces qui s'inspire du vestiaire féminin telles que la "jupe pour garçon" de Jean-Paul Gaultier, mais cela reste une rareté. L'homme est réticent à emprunter les habits de femme, preuve que le « statut inférieur » de la femme continue de faire son effet dans notre société.

smoking-mode-expo-tenue-correcteYves Saint Laurent smocking haute couture automne/hiver 1966 – Mannequin Ulla / © Gérard Pataa – Fondation Pierre Bergé Yves Saint Laurent.

Les excès, vivier pour les critiques

L'affiche « Trop c’est trop » t'accueillera dans la dernière partie de l’exposition. Trop moulant, trop court, trop haut, trop ample… Tout ce qui rime avec démesure fait scandale. Alors que l’on sait bien que les vêtements moulants ont eu leur part de scandales - parce que considérés comme impudiques ou encore outrageants -, on sera plus étonnés de constater que les vêtements trop amples ont aussi suscités les critiques.

Dès 1702, l’écclesiastique Jean-Baptiste La Salle affirme "qu’un vêtement « étroit »  qui dévoile les courbes indiscrètes du corps serait moins subversif qu’un habit « trop large » qui en couvre les formes jusqu’à les faire disparaître", nous dit-on. Les habits trop décolletés ou trop plongeants, de leur côté, en ont offusqué certains, mais en aguichent aussi d’autres. Quant au vêtement froissé ou déchiré, autrefois signe de pauvreté ou de colère notamment, il devient petit à petit un signe de créativité, le jean déchiré en est un exemple parfait.

mireille-darc-robe-haute-couture« Le grand blond avec une chaussure noire » 1972, Mireille Darc portant une robe signée Guy Laroche appartenant au musée des Arts décoratifs, Paris

Le scandale, clef du succès ? 

Malgré les scandales qui ont marqués l'histoire de la mode, il apparaît que les couturiers les plus célèbres misent sur ces créations polémiques pour justement se démarquer. Le scandale n’est autre qu’une stratégie. On pense alors à Yohji Yamamoto et Rein Kawakubo pour Comme des Garçons avec leurs vêtements en apparence non finis, en 1983,  John Galliano pour Dior avec sa collection inspirée des sans-abris en 2000 ou encore à Alexander McQueen avec sa collection « Highland Rape » présentant des femmes métaphoriquement violées en 1995. 

Aujourd’hui encore et ce même s'il y a eu un certain assouplissement des codes, un scandale n’est jamais loin. Et l’expo de conclure avec cette citation : "la liberté vestimentaire n’est finalement qu’une illusion". 

john-galliano-dior-mode-scandaleJohn Galliano, prêt-à-porter printemps/été 2006 © Guy Marineau

 

Expo « Tenue correcte exigée, quand le vêtement fait scandale »
Musée des Arts décoratifs
107, rue de Rivoli - 1er
Jusqu’au 23 avril 2017
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