C’est en 1955 que Jacques Prévert s’installe au 6 bis, Cité Véron, juste au-dessus du Moulin Rouge, pour faire de Montmartre son nouveau terrain de jeu. 70 ans plus tard, nous fêtons l’anniversaire de cette installation, mais également le centenaire du manifeste surréaliste. L’occasion parfaite pour le plus charmant des musées parisiens de célébrer cet artiste singulier, connu pour sa capacité à créer des univers uniques issus de ses rêves les plus fous.
Jacques Prévert et compagnie
« En sortant de l'école/Nous avons rencontré/Un grand chemin de fer/Qui nous a emmenés/Tout autour de la Terre/Dans un wagon doré. » Nous avons tous un jour appris un poème de Jacques Prévert. Pourtant, l’écrivain ne se résume absolument pas à ces textes d’école, loin s’en faut. C’est à cette autre facette de sa palette que s'intéresse aujourd’hui le musée de Montmartre, en nous plongeant dans la relation foisonnante que le poète entretenait avec les arts visuels.
Robert Doisneau, Jacques Prévert se reflétant dans un miroir avec des éléments de collage, collection Eugénie Bachelot Prévert © Robert DoisneauGamma Rapho
Dans une première partie extrêmement riche, l'œuvre de Prévert est mise en dialogue avec celles de certains de ses plus proches amis et collaborateurs. Picasso, Miro, Braques, salle après salle, on découvre des pièces absolument spectaculaires, comme de gigantesques livres écrits par Prévert et illustrés par ces artistes de renom. Un travail à 4 mains remarquable, qui ne manquera pas d’inspirer celui qui, plus tard, fera du collage l’un de ses principaux moyens d’expression.
C’est donc une véritable ode à l’amitié que dresse le premier étage du musée, en alternant photos prises sur le vif et histoires de collaboration, par exemple avec le groupe Octobre ou avec de grands réalisateurs de cinéma. On adore d’ailleurs les "scénarios" imaginés par Prévert, véritables fourre-tout combinant dessins, schémas et esquisses de dialogues, dans un joyeux bazar organisé tout en couleur. Une fois le personnage public mis en scène, il est cependant temps de plonger dans l’intimité de l’artiste.
Jacques Prévert, Scénario illustré pour Les Enfants du paradis, film de Marcel Carné, collection La Cinémathèque française, © Fatras - Succession Jacques Prévert _ Adagp, Paris, 2024, ph. © Archives privées
De la poésie, toujours avec humour
Dans la seconde partie, le musée nous transporte directement dans l’intimité profonde de Prévert, en mettant cette fois-ci en avant ses collages bien particuliers. Au fil des créations, on découvre un univers particulier. Collages absurdes de Paris, où le Sacré-Cœur se retrouve sur l'île de la Cité. Salle anticléricale, qui illustre à merveille l’humour légèrement noir et la capacité de l’artiste à détourner certaines images. Des œuvres ancrées dans le mouvement surréaliste, régies par deux maîtres-mots : couleur et fantaisie.
De salle en salle, on s’enfonce toujours un peu plus dans le quotidien personnel du créateur, notamment grâce à une galerie remplie de ses éphémérides, véritable agendas sur feuilles volantes, sur lesquelles l’écrivain dessinait chaque joue une fleur, tantôt mélancolique, tantôt joyeuse, tantôt un brin punk, comme un thermomètre de son humeur de la journée. Sans aucune notion de temps précise, mis à part de vagues « lundi 17 » ou « mercredi 2 », on contemple avec plaisir ce calendrier éternel, où se mêlent noms de célèbres copains et préoccupations bien ordinaires, comme un rendez-vous chez le coiffeur.
Jacques Prévert, Souvenir de Paris II, collection Eugénie Bachelot Prévert, © Fatras - Succession Jacques Prévert _ Adagp, Paris, 2024, ph. © Archives privées
Pour finir en apothéose, le musée de Montmartre reconstitue pour nous le bureau de l’artiste, venu tout droit de son appartement du 6 bis, cité Véron, et prêté pour l’occasion par sa petite-fille Eugénie, co-commissaire de l'exposition. Une fin marquante, qui nous invite à nous immiscer dans l’environnement de création de Prévert, de sa magnifique table de travail aux incroyables œuvres réalisées par des amis artistes qui ornent les murs. En bref, c’est un portrait novateur et complet que nous propose l’institution, dont on ressort des rêves plein la tête.
Jacques Prévert, rêveur d’images
Musée de Montmartre
12, rue Cortot – 18e
Jusqu’au 16 février 2025
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