Tout au long de sa carrière, Hans Josephsohn a développé une technique et un imaginaire uniques, faisant de ses sculptures des pièces tout à fait singulières. Le MAM nous invite aujourd'hui à (re)découvrir cette œuvre riche, qui n’a eu de cesse d’évoluer pour pousser toujours plus loin le dialogue avec la matière. Une exposition spectaculaire, qui met en avant le travail d’un artiste trop longtemps méconnu en dehors de la Suisse.
Une histoire complexe au service de l’art
Né en 1920 à Kaliningrad – une enclave entre la Pologne et la Lituanie et un territoire surmilitarisé – Hans Josephsohn, issu d’une famille juive, subit très vite la montée du nazisme et la promulgation des lois raciales par le régime fasciste italien. Contraint de quitter l’Italie où il bénéficiait d’une bourse pour ses études d'art, il gagne la Suisse où, après un passage par un camp de réfugiés, il demeurera jusqu’à la fin de sa vie.
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Si ses débuts (fin des années 40 et années 50) sont marqués par une simplification des formes, la violence de la Seconde Guerre mondiale impacte son art sur le long terme. Le traumatisme de la guerre se ressent à travers ses travaux mettant en scène des corps et des visages marqués, bien loin des matériaux lisses et brillants d'Aristide Maillol, qui fut pourtant l’une de ses grandes sources d'inspiration.
Décennie après décennie, le sculpteur développe une œuvre non pas centrée sur la forme, mais plutôt sur l’essence, sur l’intensité d’un moment, sur une présence. En découlent des pièces rugueuses, presque archaïques, bien plus complexes qu’il n’y paraît. Adepte du plâtre, il passe sa vie à chercher un point d'équilibre grâce à la matière, sans se soucier de la vraisemblance, son œuvre étant centrée sur la figure.
© Musée d'Art Moderne
Une vie marquée par la rupture
Au fil des salles, le MAM nous propose de découvrir toute l'étendue du talent de Josephsohn de manière chronologique. Trois périodes majeures sont présentées ici, chacune marquée par des tournants, des ruptures, des exigences nouvelles, aussi bien dans sa vie personnelle que dans sa recherche artistique, deux aspects très liés chez le statuaire.
Ainsi, les années 50 et ses premiers travaux sont marqués par une simplicité des formes, comme une recherche de l’essentiel, dans une proximité avec les créations antiques et inspirés par Mirjam Abeles, son épouse et modèle. Les années 60 et 70 se traduisent par un tournant incarné par une représentation massive du corps, en particulier celui de Ruth Jacob, sa nouvelle muse. Tout au long de son parcours, son œuvre oscille entre figuration et abstraction mais c'est dans les années 80, qu'il se tourne véritablement vers ce dernier, faisant preuve d’une virtuosité de plus en plus symbolisée par le flou. Un renouveau qui coïncide avec l’arrivée dans sa vie de sa dernière compagne et modèle Verena Wunderlin.
© Musée d'Art Moderne
En faisant le choix d’accompagner les pièces sélectionnées par très peu de narration et d'explications, Albert Oehlen nous invite à nous concentrer sur le processus créatif, bien plus que sur la symbolique et le sens des œuvres de Josephsohn. Un moyen pour le peintre de nous inviter à la réflexion, mais aussi de mettre en avant la singularité du sculpteur ainsi que son héritage. Une exposition marquée par la brutalité des formes, humaine et surtout juste, à découvrir au plus vite.
Josephsohn, vu par Albert Oehlen
Musée d’Art Moderne
11, avenue du Président-Wilson – 16e
Jusqu’au 16 février 2025
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