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Christian Le Squer, chef de palace parisien, nous révèle tous ses secrets

undefined undefined 8 septembre 2016 undefined 00h00

undefined undefined 20 octobre 2016 undefined 11h39

Olivia

On se demande tous ce qu’il se trame dans la tête d’un grand chef, et bien sûr dans sa cuisine. Car on ne peut le nier, les chefs français sont aujourd'hui considérés comme de vrais stars, notamment grâce à l’émotion qu'ils procurent avec leurs créations. On a eu la chance de rencontrer Christian Le Squer, trois étoiles au Michelin, et de découvrir l'univers gourmand de son restaurant Le Cinq, au cœur du palace Georges V à Paris.

Quand avez-vous « switché » de simple cuisinier à grand chef ?

Devenir cuisinier c’est comme suivre des études de médecines, il faut apprendre toutes les technicités, tous les savoirs culinaires, il faut se sentir prêt. A 31 ans, j’ai senti que j’avais la capacité de devenir chef, et non pas grand chef, ce n’est pas vous qui décidez si vous êtes grand chef, ce sont les guides et vos clients. Je pense que l’on passe au stade de grand chef quand on devient un créateur de saveurs.

Donc tous les grands chefs sont des créateurs de saveur ?

Oui, ils ont cette identité culinaire. Comme un peintre a une identité, un artiste, un chanteur, un architecte, ou un couturier. De la même façon que l’on reconnaît un sac Chanel ou un parfum, un grand chef de cuisine a une identité culinaire.

En fermant les yeux, on pourrait donc reconnaître votre cuisine… ?

Oui, les gens qui ont l’habitude, diraient, c’est du Le Squer !

La pizza contemporaine de @christianlesquer

Comment travaillez-vous ?

Un chef de cuisine est toujours en cuisine, ou tout du moins dans le milieu culinaire. Je travaille avec mon équipe, avec des "corps d’Etat" - le saucier, le pâtissier, le poissonnier, l’entremétier, le maître d’hôtel, le sommelier, - et j’en suis l’architecte. Tout est en mouvement, et c’est à moi d’amener le mouvement là où je veux aller.

Quelle est la chose la plus dure que vous ayez jamais réalisée ?

C’est celle que je recherche en permanence. Je pense que le plus dur, c’est de passer de la méthode artisanale, à la méthode industrielle. Ma spécialité, par exemple, est de faire en fin de repas un kouign-amann. Je voudrais faire en sorte que cette petite quantité soit faite en grosse quantité de façon à partager, avec le plus de personnes possibles, un bon plat. 

Combien de fois avez-vous réalisé une chose avant de décréter qu’elle était parfaite ?

Il n’y a pas de règles. Tous les jours au sein du restaurant il y a une recherche de développement où une ou deux personnes cherchent des saveurs. Dès qu’il y a un plat à faire on le met toujours en mouvement. On travaille un peu comme des couturiers, on sort des collections, quand on arrive dans la collection automne/hiver il faut trouver des plats adaptés à cette saison hivernale. L’été on mange un gaspacho (un potage froid) et en hiver une soupe chaude.

@christianlesquer

Une anecdote qui vous a le plus marqué en cuisine ?

Celle qui m’a fait le plus rigoler, c’est quand jeune commis dans un restaurant, on avait fait une omelette norvégienne (un grand gâteau pour un mariage) et lorsqu’on l’a amené, on s’est cassés la figure, on pouffait de rire, mais en revanche la mariée était dévastée. Certains pleuraient alors que d’autres riaient, mais ça fait de bons souvenirs ! 

La plus grosse contrainte de votre profession ?

Je vis une passion, et je crois que la contrainte c’est d’être en pleine forme avec une ouverture d’esprit. C’est un métier qui demande beaucoup de force.

Les cuisiniers sont maintenant élevés au rang de stars, vous vous sentez comme une Rockstar ?

Je ne le crois pas parce que j’ai de vraies valeurs, des valeurs de familles, d’origine. Je ne sauve pas des vies, j’essaye de faire passer un bon moment aux gens, de leur donner un peu de joie, mais je ne me sens aucunement comme une star, je fais mon métier de créateur de cuisine, de plat. On est nombreux.

Pourriez-vous faire vos plats dans une autre contrée, Kyoto par exemple, de la même manière ?

C’est à nous de savoir comment modifier le produit. La tomate à Kyoto a peut-être un goût différent, mais c’est à nous d’apporter le palais. La cuisine est faite de palais comme un parfum est fait de nez. Le produit ne sera peut être pas identique, mais on va ajouter notre palais pour essayer de trouver le bon goût. Quand on aura fini de composer on va retrouver le vrai bon goût. 

Merlan de ligne / moutarde fumée / huître & kiwi @christianlesquer

Est-ce que comme dans « Ratatouille » vous regardez à travers la fenêtre de votre cuisine ?

Ce sont les clients qui font avancer les chefs de cuisine car ils donnent leurs sentiments, leurs émotions. Quand vous facturez un plat aussi cher, il faut savoir écouter. Si un client trouve un plat trop salé, on le goûte quand il revient, on se rend alors compte qu’en fait il est trop « corsé ». On dit au chef qu’il a trop réduit sa sauce, qu’elle correspond peut-être au palais européen, mais pas au palais asiatique par exemple. Lorsqu'on prend la commande, on marque l’origine du client. S’il est japonais, on fera en sorte que le plat soit moins salé, moins corsé. Le petit grain de sel qu’on aurait mis pour nous, on ne le mettra pas pour le japonais, ce sont des petits détails qui font qu’on est comme Ratatouille.

Le secret culinaire que vous ne révélerez jamais ?

Il n’y a plus de secrets en cuisine, avec les réseaux sociaux tout est révélé aujourd'hui. On n'a plus rien à cacher, on est même contents d’annoncer qu’on est le créateur de la recette ! On va plutôt montrer qu’on était le premier à travailler, que nos recherches ont été faites sur ça. 

Est-ce que vous cuisinez le dimanche soir chez vous ? 

Je ne mange pas le dimanche soir, parce qu'en général j’ai trop mangé le dimanche midi ! Sinon à la maison, on partage les tâches, mais comme je suis le plus rapide à cuisiner, je décide d'aller au marché par exemple car celui qui va au marché ne fait pas la cuisine.

@christianlesquer

Le plat que vous avez honte d’aimer mais que vous aimez quand même, comme des pâtes au ketchup par exemple ?

Je n’ai pas honte d’aimer ! Je n’ai pas honte de dire que je mange des fraises Haribo. J’aime les bons produits, mais je suis capable de manger des mauvais produits par pure gourmandise.

Un conseil de plats pour nos invités ?

Je conseille les cocottes ou les cuissons longues, qui permettent de faire autre chose et de ne pas surveiller. 

Votre adresse favorite à Paris ?

Ça dépend avec qui je suis. Samedi midi, je vais aller dans un restaurant étoilé pas loin d’ici avec ma femme et mon fils, mais la semaine prochaine j’irais à Belleville pour faire découvrir à un ami un bistrot gourmand avec une merveilleuse carte des vins. Un restaurant se choisit par rapport au plaisir que l’on veut donner.

Le Cinq
31 Avenue George V – 8e
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© cover : P.Faus