isjskal6b1

Industrie de la mode et pollution : que pouvons-nous faire ?

undefined undefined 6 février 2018 undefined 14h48

undefined undefined 9 février 2018 undefined 15h30

Manon Merrien-Joly

H&M, Zara, Primark... De scandales sociaux en dommages environnementaux, l'industrie du textile derrière les multinationales ne cesse de provoquer polémiques et indignation. Parce que derrière son génie créatif et sa puissance symbolique et économique, cette industrie est la deuxième la plus polluante au monde, juste après le pétrole. Les pays du Sud en sont les premières victimes : comment, en tant que consommateur du Nord, s'informer et consommer plus éthique ?


En janvier dernier, le média américain Quartz révélait une carte interactive de la pollution engendrée par l'industrie de la mode en Chine en temps réel. Pour l'instant, y figurent les ateliers de production des groupes Puma, GAP, Inditex (d'où est issu le groupe Zara), New Balance, Esprit et Target.

L'Asie du Sud-Est et la Chine, "atelier du monde", sont des zones particulièrement touchées par la pollution engendrée par les usines : 70% des cours d'eau chinois sont pollués par les usines - de textile, de fabrication de papier, de produits chimiques et pharmaceutiques*. En cause, la forte consommation de produits chimiques par l'industrie textile : ils sont utilisés tout au long de la chaîne de fabrication du vêtement (de la teinture à l’impression en passant par le finissage).

Résultat, les eaux usées « qui résultent de ces processus sont souvent toxiques et constituent une grave menace pour la santé humaine mais aussi pour l’environnement, empoisonnant de précieux cours d’eau », souligne Greepeace sur son site. La consommation de cette eau par la moitié des Chinois (soit 600 millions de personnes) entraine maladies, problèmes de fertilité et autres atrocités, du fait de l'utilisation de métaux lourds, pour la teinture notamment.

© IPE.ORG / Capture d'écran

Issu d'une initiative gouvernementale chinoise de l'Institut des Affaires Publiques et Environnementales (IPE) en partenariat avec l'ONG chinoise du Comité de Défense des Ressources Naturelles (NRDC), cet outil fournit donc en temps réel les taux de pollution de l'air, des sols et des eaux dans les régions où sont implantées les usines de production.

Le projet en est à ses balbutiements, mais l'objectif est de fournir « un rapide coup d'œil sur les usines qui violent les réglementations, et quelles marques ces usines fournissent ». Il serait bénéfique à la fois pour les labels, qui « pourraient utiliser ces informations pour se diriger vers les bons élèves de la production, et faire pression sur les usines non-performantes pour qu'elles se mettent aux normes, au risque de perdre leurs clients » et pour les consommateurs, qui pourraient ainsi orienter leurs achats, relève Quartz.


Le Bonbon
a contacté Nayla Ajaltouni, activiste et porte-parole du collectif Ethique sur l'Etiquette (qui œuvre pour le progrès social et contre la violation des droits humains au travail dans le monde), pour tenter de trouver des réponses à apporter en tant que consommateur à ces dégâts environnementaux.


S’il est possible de répondre de manière globale à cette question, quels sont les dommages causés par l’industrie de la mode ?

L'important est de garder en tête que cette industrie est la deuxième industrie la plus polluante au monde. Le textile est majoritairement produit à bas coût dans des pays où les droits sociaux et les normes environnementales ne sont pas respectées : la fast fashion est aujourd’hui le plus gros problème de l’industrie du textile en matière de responsabilité sociale et environnementale. 


Quelles sont les autres zones critiques en dehors de la Chine ?

Les deux pays où le phénomène s'illustre particulièrement sont le Bangladesh et le Cambodge. Le vrai problème reste la fast fashion : on ne peut recycler que 15% du textile produit dans le monde. La surproduction entraine la surconsommation, et celle-ci fait pression sur les coûts et les délais. Ces deux pays dépendent à 80% du textile pour leur entrée en devises et leur économie repose dessus. 


Quelles règlementations existent pour faire en sorte que les entreprises résolvent les problèmes qu'elles causent ?

Il existe ce que l'on appelle des "chartes éthiques", mais elles actent simplement le degré zéro de l’engagement : elles sont les premiers éléments publics que la société civile a demandé dans les années 1990. Aujourd’hui, elles n’engagent en rien les entreprises. Les initiatives comme le Global Compact et les autres accords internationaux restent non contraignantes : elles n’ont pas de valeur juridique et ne se traduisent pas par une modification des pratiques de sous-traitance. 


La loi sur le devoir de vigilance ne suffit-elle pas ?

Effectivement, elle s'applique dès cette année et impose aux grands groupes de publier et mettre en œuvre les risques liés à cette activité et les mesures mises en place pour les éviter. Mais il s'agit simplement d'information et non d'action concrète.

En tant que marque, il faut dès le départ construire sa chaine d’approvisionnement sur des droits fondamentaux (la liberté syndicale par exemple), il faut que ce soit le cœur du modèle économique, avec le respect de l’environnement. C'est pour cela qu'il faut garder en tête que H&M et Zara sont des experts de la distribution mais pas du textile. La transparence est bien sûr essentielle mais il faut faire évoluer son modèle économique en parallèle.  


Où les consulter?

Il est impossible de centraliser toutes les initiatives des compagnies : le mieux est de se rendre sur les sites de ces entreprises, et de ne pas hésiter à les questionner et les interpeller sur les réseaux sociaux.


Comment acheter des sapes qui n'ont pas été conçues par des employés sous-payés dans des usines ultra-polluantes ? La fast fashion reste le moins cher.

Il existe plusieurs marques alternatives, plusieurs initiatives éthiques en France comme Veja, Loom ou les jeans de chez 1083. Malheureusement, elles sont un peu enrayées par une image négative qui heureusement est en train d'évoluer. Il s'agit également de sensibiliser le public sur les questions d’écologie, ce qui reste un problème d’investissement des pouvoirs publics. 

Les mentalités évoluent et on constate un retour de l'attrait pour le vêtement de qualité, qui représente clairement un meilleur pari pour l’avenir.


Comment, en tant que consommateur, puis-je faire un pas vers une mode plus éthique et enrayer l'engrenage ? 

Si l'accès à l’offre et à l'information reste compliqué, on peut surtout réduire sa consommation de vêtements, se rendre compte que posséder trop de vêtements n’est pas un facteur de bonheur et que si les soldes sont rentables pour les actionnaires, elles ne le sont pas pour les travailleurs. C'est tout le modèle économique qui fait pression sur la chaine de production.

En tant que consommateur, rationaliser sa consommation et se diriger vers la seconde main est déjà un grand pas : quand notre pouvoir d’achat est limité, notre action en tant que citoyen ne l’est pas. C’est parce qu’on se fait entendre que les marques créent des campagnes, mettent en place des accords. Et il faut également se méfier du social et du green washing que pratiquent certaines marques dans leurs supports de communication, masquant les réalités sans actes réels.


En dehors des questions environnementales, les droits humains au travail sont bien loin d'être respectés partout : pour connaître l'empreinte de votre consommation sur les droits des travailleurs du Sud, faites ce test du Slavery Footprint. Vous pouvez aussi consulter notre carte des shops vegan de la capitale et regarder le très bon documentaire The True Cost.


*Source