"83% des SDF ressentent le rejet des passants et commerçants" selon une étude BVA/Emmaüs. Une double peine pour les personnes à la rue... Partant de ce bilan plutôt négatif, Louis-Xavier Leca, parisien de 27 ans natif du XIe, a créé "Le Carillon" en novembre dernier. Cette association tout sauf misérabiliste permet aux commerçants du 11e d'aider les SDF en leur proposant des services au même titre que n'importe quelle autre personne.
D'un côté il y a les sans domiciles fixes qui ont des besoins vitaux type boire de l'eau et/ou une boisson chaude ou aller aux toilettes, de l'autre, il y a les commerçants qui ne demandent qu'à les aider. C'est en partant de ce constat que l'asso "Le Carillon" est née. Elle permet à 25 commerces du 11e arrondissement de proposer leurs services aux personnes dans le besoin. Pour savoir que leurs portes sont ouvertes, l'asso de Louis-Xavier colle le label du Carillon et les picto des services rendus sur la vitrine des commerces. "Les pictogrammes sont universels, sachant que la moitié des SDF ne parlent pas français, c'est un bon moyen de leur dire qu'ici ils peuvent trouver ce dont ils ont besoin" explique Louis-Xavier.
View Le Carillon - réseau de commerçants solidaires in a full screen mapEt de quoi ont-ils besoin justement ? "Depuis le lancement de l'association, 99% des services rendus sont des services de base : aller aux toilettes, boire de l'eau ou une boisson chaude, charger son téléphone, passer un appel d'urgence, utiliser une trousse à pharmacie ou le micro-onde... Il y a même une pharmacie qui donne des échantillons de cosmétiques et des restos qui proposent des plats gratuits en fonction du stock et du service de la journée. Sans oublier la conversation, s'asseoir avec un SDF et discuter avec lui, échanger. C'est presque aussi important qu'un verre d'eau" explique le fondateur de l'association.
Charly par exemple, à la tête de la Poissonnerie La Croix rue Oberkampf et membre du Conseil de quartier, discute systématiquement avec les personnes qui viennent lui demander un service. "Je veux aider mes voisins, ne pas être égoïste, merde. Je m'en fous du pognon, pour moi c'est l'humain qui passe avant tout" scande le commerçant de 53 ans. D'ailleurs, il est aussi à l'origine de l'asso et c'est dans sa poissonnerie, emblème du quartier, que l'inauguration du Carillon s'est faite le 11 janvier dernier. Pour l'occasion, une collecte de duvets a été mise en place : sur une centaine de participants ils ont pu donner plus de 40 couvertures, chacune signée par le donateur (pratique en cas de perte). Une belle première ! Depuis, vous pouvez faire des dons dans la petite boîte prévue sur le comptoir, alors "à vot' bon coeur, m'sieur dame".
Pour Monique de la boutique de cadeaux Temoa, le "succès" est moins visible : "pour l'instant, une seule personne est venu me demander une boisson chaude, je ne sais pas si c'est grâce au pictogramme ou non, en tout cas je lui ai donné de quoi se réchauffer, c'est normal. Ça fait 7 ans que je suis rue Oberkampf et j'ai toujours aidé les personnes dans le besoin alors je ne pouvais qu'approuver le projet du Carillon, ça ne coûte rien, mais pour eux c'est beaucoup." Comme quoi, il n'y a pas de petits gestes...
Alors si vous voulez aussi aider, bonne nouvelle, le Carillon proposera dès février prochain aux particuliers de faire des "consom'actions", une façon de consommer et agir en même temps. Les Parisiens pourront devenir membre de l'asso en cotisant 2 à 3 euros par mois puis relever des défis pour aider les SDF. Par exemple, en consommant 20 menus dans un restaurant partenaire, deux leurs seront donnés par l'établissement. Une sorte de carte de fidélité solidaire en somme... Le "bon pour un menu" sera distribué dans la rue par les partenaires sociaux de l'asso, déjà en contact avec les SDF : l'antenne locale de la Croix Rouge, l'équipe de rue de l'association Charonne ou encore le Petit Café. Sans ce lien de confiance pré-établi, le travail de l'association n'aurait pas autant d'impact d'ailleurs. Comme quoi, chacun, à notre échelle on peut aider les autres, il suffit de savoir comment.