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Polémique Oudéa-Castéra : Paris suspend ses financements à l’école privée Stanislas

undefined undefined 18 janvier 2024 undefined 15h19

undefined undefined 18 janvier 2024 undefined 17h36

Flora Gendrault

Le gouvernement Attal commence son travail sur les chapeaux de roues. Le camp présidentiel a l’habitude de collectionner les polémiques ; on pourrait parler d’Emmanuel Macron lui-même qui vient de réactiver le vieux concept réactionnaire de « réarmement démographique », concevant une fois encore le corps des femmes comme une usine à fœtus, mais pour aujourd’hui, on revient sur les propos de l’actuelle ministre de l’Éducation Amélie Oudéa-Castéra, fraîchement nommée, déjà huée et appelée à démissionner. 


Premiers jours en exercice, et déjà, ça coince  

Le 11 janvier dernier, le secrétaire général de l’Élysée annonçait la composition complète du gouvernement de Gabriel Attal, nouveau Premier ministre. 15 membres, dont 8 hommes et 7 femmes ; parmi ces dernières, Amélie Oudéa-Castéra, nommée ministre de l'Éducation nationale en plus de la Jeunesse, des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques, disciplines qu’elle représentait déjà sous le gouvernement Borne

Exactement une semaine plus tard, celle-ci est dans la tourmente. « Je ne sais pas si on a déjà démarré aussi mal une prise de fonction en tant que ministre de l'Éducation nationale », déclare Benoît Teste, secrétaire général de la Fédération Syndicale Unitaire (FSU) ; une réaction liée aux propos de la ministre sur l’école publique, qu’elle n’a pas franchement défendue, plutôt décriée. 


Hypocrisie sur hypocrisie

À l’origine de l’affaire, donc, une formulation à charge contre l’enseignement public. La ministre a expliqué avoir inscrit ses trois enfants dans le privé, au collège-lycée Stanislas, à cause de prétendus « paquets d’heures » d’absence non remplacées dans l’école publique où l’un d’eux a passé… 6 mois, pas plus, pas moins, et en petite section de maternelle. Des accusations qui ne sont pas passées, pour les syndicats comme l’opposition, qui constatent plutôt que si l’école est ainsi affaiblie, souffrant de manque de personnel, c’est du fait des politiques menées par ses prédécesseurs, du même bord politique. 

Sauf que désormais, c’est Stanislas qui fait parler de lui, et cette fois, alors que l’établissement est régulièrement présenté comme le meilleur de France par les classements des magazines, il n’est pas question d’éloges, plutôt de manquements à la loi. De sévères manquements. Dans un premier temps, une enquête datant de juin 2022 par Médiapart avait relevé les discours homophobes et anti-avortement prononcés par plusieurs des intervenants au sein de l’établissement. Un rapport d’inspection avait alors été ordonné par Pap Ndiaye, ancien ministre de l’Éducation, dont le contenu n’avait pas été rendu public. Jusqu’à Médiapart, une fois n’est pas coutume. 


Au programme, des discours homophobes, pro-vie, sexistes...

Pour constituer ce rapport de trente pages, quatre inspecteurs, et 106 personnes auditionnées. Le site d’investigation révèle que Stanislas « ne respecte pas la loi » sur de nombreux points, « obligeant tous ses élèves à suivre une heure hebdomadaire de catéchèse (l’enseignement de la religion catholique) », cours durant lesquels « des intervenant·es tiennent des propos homophobes, anti-avortement, font la promotion des thérapies de conversion et demandent à "pardonner aux violeurs" ». L’un d’eux aurait parlé de « sodomie qui apporte le sida, de l’homosexualité qui est un péché, qui est une maladie qui vient du fait que maman a trompé papa ». « Les classes de 4e, par exemple, apprennent dans des livrets de catéchèse que "l’avortement signifie [...] toujours tuer volontairement une personne humaine innocente" », écrit le journaliste David Perrotin, auteur de l’article. 

Profondément sexiste, l’établissement catholique décompte moins de lits à l’internat pour les filles que pour les garçons, moins de places en classes préparatoires, aussi, et entretient les stéréotypes de genre. Les filles doivent cacher leur corps : « Vêtements opaques, épaules (couvertes), ventre (hauts sur le bas des hanches), cuisses (longueur des jupes et des robes), poitrine (pas de décolletés) », peut-on lire sur le rapport.


Un « plan d’action » suivi avec « rigueur » 

À la suite de la publication du rapport, la Ville de Paris a décidé, mercredi 17 janvier, la suspension du versement des subventions à l’école Stanislas, selon les sources du journal Le Monde. Amélie Oudéa-Castéra, embarrassée à juste titre, a promis que l’établissement allait faire l’objet d’un « plan d’action » suivi avec « rigueur ». 

Du côté de Stanislas, son directeur Frédéric Gautier affirme que les inspecteurs « ne confirment pas les faits d’homophobie, de sexisme et d’autoritarisme mis en avant par les articles de presse », dans un communiqué publié mardi. « Nous prenons acte des quatorze préconisations du rapport », a-t-il cependant ajouté. Parmi ces préconisations : « Faire respecter le caractère facultatif de l’instruction religieuse » et « Travailler à une évolution du projet éducatif et des règles de vie, notamment relatives à la tenue vestimentaire, afin de renforcer, conformément aux valeurs de la République, l’égalité filles-garçons et le respect des différences au sein de l’établissement ».