Espèces menacées, une fresque sociale à l\'esthétisme contemplatif

undefined 28 septembre 2017 undefined 16h27

Louis Haeffner

Bon qu'on se mette bien d'accord, Espèces menacées n'est pas un chef-d'œuvre, il ne représentera pas la France aux Oscars, et n'obtiendra vraisemblablement aucun prix prestigieux. Juste un bon film qui va rester quelques semaines à l'affiche avant d'être diffusé dans une petite année sur Ciné + Premier. Pourtant, il y a quelque chose dans ce film qui le rend original, et même peut-être innovant. 


Sur le périphérique niçois, en pleine nuit, un pick-up fonce à toute allure, encadré par des motos, des voitures et des scooters, dans une joyeuse cacophonie de bruits de moteur et de klaxons. Dans la benne, à l'arrière, les jeunes mariés hurlent et rient en buvant du champagne, un fumigène à la main. Le pick-up s'arrête devant un grand hôtel de la ville, et les tourtereaux surgissent en courant main dans la main de derrière un filet de fumée rose, hilares, avant de monter vers leur chambre d'hôtel. Jusque-là, aucun dialogue, des plans aériens superbes et une musique entêtante, on dirait presque du Nicolas Winding Refn, le réalisateur de Drive

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Voilà ce qui fait la différence dans le cinquième film de Gilles Bourdos : le cadrage et la musique, qui donnent immédiatement un aspect très contemplatif au film, ce qui manque quelque peu dans le cinéma français, de manière générale. Cette façon si aérienne, poétique dirait-on presque, de filmer, que les Américains et les autres réalisateurs "à la mode" ont intégré depuis longtemps mais qui semble peiner à faire des émules chez nous, offre ici un cadre esthétique remarquable aux différentes histoires qui s'imbriquent, ainsi, le plus naturellement du monde. 

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Trois histoires donc, celle du jeune couple de la scène d'intro (Alice Isaaz et Vincent Rottiers, excellents) et des parents de la jeune femme, celle de Mélanie, enceinte de son ancien prof de fac, et de son père, forcément un peu récalcitrant (génial Eric Elmosnino), et enfin celle d'Anthony, étudiant à la fac, dont la mère devient petit à petit folle après que son mari l'a quittée. Comme on peut le deviner, chacun de ces personnages sera lié au cours du film à au moins un des autres, soulignant ainsi l'impossibilité de l'anonymat dans une ville comme Nice, par ailleurs superbement mise en valeur pour ses couleurs et son ambiance quelque peu désœuvrée à l'automne.

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Mais ce dont le réalisateur veut véritablement parler par l'intermédiaire de ces "destins croisés", c'est de la responsabilité parents-enfants, quel qu'en soit le sens. Il y parvient de fort belle manière, en faisant de ses Espèces menacées des personnages douloureusement humains, à qui la vie n'a pas donné beaucoup de choix. Comme disait Maxime Le Forestier « on choisit pas ses parents, on choisit pas sa famille », et pourtant... 


Espèce menacées
, de Gilles Bourdos

Avec Alice Isaaz, Vincent Rottiers, Eric Elmosnino
Actuellement en salles