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[ITW] Charlotte Cardin : « Les meilleures versions de nous-mêmes viennent avec des incertitudes et des risques »

Publié le 11 septembre 2023 à 09h45

Modifié le 11 septembre 2023 à 11h12

par Sarah Leris

Partir à la conquête de la France, c’est un challenge ?

Oui, ça faisait longtemps que je sentais que j’avais envie d’affronter de nouveaux défis. Je suis née à Montréal, mon public principal est là-bas, j’ai travaillé avec beaucoup de gens très créatifs et très inspirants, mais je sentais que je commençais à être dans une position un peu trop confortable, j’avais besoin de nouveaux challenges et j’ai décidé de venir ici. Et puis j’ai rejoint mon amoureux qui habitait ici.

Quand on quitte un pays pour un autre, on redécouvre aussi certains aspects de sa personne. C’est ton cas ? Tu as l’impression de t’être trouvée ?

À certains niveaux oui. Je pense que c’est important de vivre à des endroits différents, de se mettre dans des positions différentes, d’aller dans des endroits dans lesquels on n’est pas trop à l’aise pour être stimulée par de nouvelles choses. Surtout en tant qu’artiste ! Je ne vois pas sur quoi j’aurais pu continuer à écrire si j’étais restée au même endroit toute ma vie, dans ce confort.



C’est ce que tu abordes dans “Next to you”, avec les paroles « I’m just looking for a better me ».

Exactement, et je pense que les versions améliorées de nous-mêmes viennent avec des incertitudes et des risques. En ce moment je sens que c’est là où je dois être. Cette chanson est celle qui a eu le processus créatif le plus long de toute ma vie, c’est la dernière de l’album et aussi la dernière à avoir été écrite. C’était une petite maquette que j’avais depuis longtemps dans mon téléphone, vraiment juste 2 phrases et un début de chanson, je l’ai fait écouter à Patrick Watson quand j’ai commencé à travailler avec lui l’été dernier et il a tout de suite accroché. 
On s’est retrouvé dans son studio pendant presque 6 mois, chaque semaine, c’était long, parfois j’étais au bord des larmes, je n’en pouvais plus, on la continuait progressivement et elle a grandi pendant que je décidais de m’installer à Paris, elle a suivi le processus. Donc l’histoire de la chanson a évolué chronologiquement avec les évènements que je vivais, ce qui est intéressant car c’est rare qu’une chanson prenne suffisamment de temps à écrire pour qu’elle ait comme l’empreinte de notre vie en temps réel. Ça a été un processus créatif très enrichissant pour moi, je n’ai jamais persévéré autant sur une chanson et je suis vraiment contente de l’avoir fait parce que c’est ma chanson préférée de l’album, c’est la plus personnelle et c’est celle dont je suis la plus fière, notamment parce qu’elle a demandé énormément de travail.

En 6 mois tu aurais eu le temps de l’abandonner plus d’une fois.

J’allais abandonner ! C’est vraiment Patrick qui m’a dit : « Non, on continue. Mes chansons que les gens ont le plus aimées sont celles dans lesquelles j’ai mis le plus de temps, ça m’est même arrivé de passer un an à écrire une chanson », et je me disais « Oh mon dieu, ok… ». J’admire tellement Patrick en tant qu’artiste, il a un processus créatif fascinant.

Un thème qui t’est cher est celui du masque qu’on porte en société parce qu’on ne sait pas montrer qui on est vraiment. Tu en parles dans “Confetti”, hommage aux introvertis, mais aussi dans “Jim Carrey” qui aborde ses nombreuses personnalités. Tu te situes où ? Tu as l’impression de porter toi-même ce masque ?

Je pense qu’on le porte tous un peu jusqu’à un certain niveau. Par le songwriting et la création j’arrive à me découvrir, à mieux comprendre qui je suis et ce que j’ai envie de montrer aux gens, mais oui, en grandissant je voulais plaire aux autres à tout prix. C’est quelque chose dont j’apprends doucement à me défaire, parce que moins je le fais plus je me me plais à moi-même et je pense qu’au final c’est ça qui est important.



C’est ce qu’explique justement Jim Carrey : tu iras mieux si tu laisses ton ego de côté. 

Oui, ses interviews sont fascinantes. Il a souvent pris la parole sur le fait que tout le monde est un peu freiné par son propre ego, on essaie tous de se conformer à quelque chose, et pour plaire à qui au final ? Personne ne le sait vraiment. Tout le monde est attiré par la différence mais tout le monde a peur d’être cette différence-là. C’est pour ça que j’ai écrit cette chanson sur lui, je suis tombée dans un vortex dans lequel j’ai regardé toutes ses interviews et je me suis énormément identifiée à ça.

Tu es une introvertie ?

Oui, c’est mon côté Scorpion… Je suis fonctionnelle en contexte social mais je puise vraiment mon énergie dans les moments solo ou avec un groupe restreint d’amis proches. Je ne suis pas une fille des grandes foules, je fais un peu d’anxiété en milieu social trop intense.

Écrire un album, ça remplace une thérapie ?

Je vois 99 Nights comme le journal d’un été bittersweet, une capsule d’un moment très précis de ma vie. Je devais gérer plein de choses personnelles et quand j’arrivais en studio j’étais avec des amis et on passait des moments incroyables, on laissait la musique parler et on s’amusait vraiment. C’était des vrais moments suspendus de bonheur et d’amusement, mon petit échappatoire.

99 Nights aborde plusieurs sujets qui relèvent du rêve et du fantasme. Tu es une grande rêveuse ?

Absolument. Je vis une grande partie de ma vie en rêve, en fantasme et en visualisation. Trois choses qui sont différentes mais proches à la fois. Il y a beaucoup de choses qui sont vraies aujourd’hui que j’ai longtemps visualisées et qui étaient des fantasmes, des rêves, des choses que je ne pensais pas possibles. J’ai un monde imaginaire très riche et je me permets d’y vivre plein de choses depuis toute petite, ça peut paraître étrange mais ça m’inspire beaucoup et ça m’a aidée à énormément de niveaux. C’est une force qu’on sous-estime. Peu importe ce que je vis dans ma vie, je peux l’affronter en allant le puiser dans ce monde.



T’étais quel genre d’enfant ?


J’ai eu une enfance heureuse, j’ai eu de la chance. J’étais passionnée par le chant et la musique et ça me rendait un peu différente, j’ai vécu un petit peu d’intimidation mais rien de traumatisant. Je savais que la musique était quelque chose de spécial et qu’il fallait que j’y mette mon énergie, j’ai une famille qui m’a donné confiance en moi en me valorisant pour les bonnes choses. Mes parents m’ont toujours soutenue, ma grande sœur me faisait chanter devant ses amis quand j’avais 6 ans parce qu’elle me trouvait trop forte… Aujourd’hui j’ai 28 ans, je veux un jour avoir des enfants et je réfléchis beaucoup au fait de donner confiance en soi. J’ai quand même des insécurités comme tout le monde, ce n’est pas une ligne droite, mais ma confiance en moi m’a permis d’affronter plein de situations.

Si tes projections d’enfant se sont réalisées, à quoi ressemblent tes rêves aujourd’hui ?

Je veux continuer à faire de la musique pour le reste de ma vie et qu’il y ait une croissance organique du projet. J’apprends encore énormément chaque jour et je vois ma carrière comme un truc à long terme, je ne veux pas d’un feu de paille, j’ai envie d’explorer, d’apprendre, et j’espère partager toutes ces choses avec un public qui voudra partager ça avec moi.



99 Nights / Cult Nation
Déjà disponible
En concert à l’Olympia le 24 janvier 2024

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Le Pavillon des Canaux menacé de fermeture

Publié aujourd'hui à 09h30

par Clémence Varène

Après l’International ou La Mutinerie, c’est un nouveau lieu incontournable de la vie parisienne qui se retrouve au bord du gouffre. Un espace engagé et solidaire pas comme les autres, qui accueille depuis une décennie des festivals, des conférences, des expos, des concerts, tout en promouvant une inclusivité sans limite. Bref, un lieu comme il en existe peu, qui se retrouve aujourd’hui dans une situation économique plus que délicate. Et c’est sur Instagram que le tiers-lieu a lancé un dernier appel à l’aide.


Un lieu de vie parisien en péril

Dans un communiqué publié le 2 avril 2025, Le Pavillon des Canaux tire la sonnette d’alarme. Grâce à un long post, les équipes du lieu expliquent que ce dernier n’a que 6 mois pour remonter la pente, avant de devoir mettre la clef sous la porte définitivement. Une tragédie pour tous les Parisiens qui profitent depuis 10 ans de cette maison engagée toujours prête à nous proposer une programmation de folie dans un cadre ultra cool.

En effet, au-delà d’animations et d’activités toujours originales et engagées, le Pavillon des Canaux, c’est tout de même un endroit où l’on peut se poser dans une baignoire pour boire un verre, où l’on profite d’une incroyable verrière pendant les journées ensoleillées d’hiver, et de la fraîcheur de l’eau du canal voisin en plein été. Bref, un condensé de joie, d’inclusivité et de plaisir aussi bien sur le fond que sur la forme. Pourtant, tout ceci pourrait bientôt disparaître.


Quelles solutions pour sauver le Pavillon ?

Dans son post, le tiers-lieu annonce donc connaître de lourdes difficultés financières, mais vouloir tout mettre en œuvre pour remonter la pente. Au programme : un nouveau menu, de nouvelles animations pour essayer de regrouper le plus de gens possible, mais aussi mettre en place une nouvelle configuration des espaces, par exemple. Le message est clair, le Pavillon des Canaux entend bien trouver des solutions adaptées et durables pour continuer à nous offrir une programmation de folie et des événements toujours plus intéressants (voire nécessaires). Et en attendant, surtout, on n'hésite pas à y faire un tour, et à profiter du bar et du restaurant pour leur donner de la force !

Le Pavillon des Canaux
  • 39, quai de la Loire – 19e
  • Dimanche : 11:00 - 18:00
  • Mardi - jeudi : 11:00 - 0:00
  • Vendredi - samedi : 11:00 - 2:00
  • Lundi : Fermé
  • +33 6 51 82 06 52
  • Site web
  • 4.3 / 5



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