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[INTERVIEW] Tristan Lopin, des réseaux sociaux à la scène

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Sarah Leris


Ça fait quoi d’être irréprochable Tristan ?

Ça fait quoi d’être irréprochable Tristan ? (rires) J’ai longtemps joué à l’être, mais j’ai appelé
le spectacle comme ça car ce n’est plus le cas. Quand j’étais petit j’étais ce garçon très lisse, qui arrondit les angles, qui présente toujours bien, bien élevé... Je me suis libéré de ça il y a 3 ou 4 ans, sur le tard. J’ai écrit le spectacle alors que je venais de vivre deux ruptures amoureuses compliquées qui m’avaient
mis dans le noir total, je suis passé par une dépression et je me suis dit « tu passes ta vie à essayer d’exister dans le regard des autres alors que ça ne te rend pas heureux, peut-être que ce serait encore plus épanouissant d’accepter que tu peux dire non ». Ce spectacle, c’est ça.


Son écriture a été thérapeutique alors ?

Oui, j’écris toujours parce que j’ai quelque chose à dire qui m’anime intérieurement
et qu’il faut que je crache. Il y a plein de gens qui écrivent sur le quotidien ou des sujets plus légers et qui le font très bien, moi, j’ai besoin que ça me ronge.


Ce qui ne t’empêche pas de militer
pour des causes importantes en abordant des sujets difficiles.

Depuis quelques années on parle de sujets très intenses et deep, et dans notre société
la parole se libère. J’avais le sentiment
que c’était aussi important d’éduquer le public différemment de la manière dont on peut
le faire aujourd’hui au quotidien. Pour moi, l’humour, c’est une manière de faire tourner
le vélo dans la tête des gens sans qu’il y ait
ce côté paternaliste moralisateur un peu chiant qu’on peut retrouver ailleurs.


Tu as ce rapport particulier à l’humour puisque tu t’en sers pour faire passer un message. Comment ça a commencé ?

J’avais d’abord l’envie de faire passer des messages puisque je voulais être réalisateur de films quand j’étais petit. Je voulais raconter des histoires par le cinéma pour créer un lien entre moi et les autres. J’allais beaucoup au cinéma avec mes parents, ils sont un peu intellos alors je voyais des films d’auteurs ou des trucs iraniens inconnus et j’avais le sentiment de découvrir des histoires auxquelles je n’aurais pas eu accès dans ma vie quotidienne. J’avais accès à une culture et des problématiques qui n’étaient pas les miennes et c’était fou de réussir à les comprendre. J’avais tellement l’impression que les gens ne me comprenaient pas dans ma vie, ou que j’avais du mal à créer du lien avec les autres, que je me disais que le fait de faire des films allait me permettre de dire aux gens ce que je n’arrivais pas à leur dire dans la vie. Et quand je me suis rendu compte que faire du cinéma allait être un chantier pas possible, je me suis dit que l’humour pouvait réussir à être ce vecteur et j’ai écrit le spectacle dans ce sens-là.


Ça t’a aidé à accepter qui tu es ?

Ça m’a aidé à m’émanciper, à accepter
mes névroses, mon passé... Pouvoir rire
de tout, c’est aussi accepter que parfois la vie est nulle mais qu’on s’en sort quand même. C’est important de parler des vrais sujets mais de dire aux gens qu’on est nombreux à qui
il arrive plein de merdes et qu’on peut vivre avec. Et qu’on peut même en rire.


© Kobayashi


Alors comment on sort de sa chambre et on grimpe sur scène ?

Je vais être honnête, c’est tellement traumatique que je l’ai un peu occulté, mais tout simplement, à un moment tu te dis que ça te tente
tellement qu’il faut essayer. C’est un mélange de tentation et de peur. Au début, le moindre rire est une telle victoire, une montée de dopamine incroyable,c’est trop bon. Mais c’est la peur qui m’a stimulé, comme 95% du temps...


Le futur du stand-up c’est d’être engagé ?

Je pense que c’est une autre forme d’humour qui est, je l’espère, vouée à se démocratiser. Mais il en faut pour tous les goûts. J’aime bien l’idée qu’on ne se dirige pas vers un genre en particulier et qu’il n’y a pas une bonne manière de faire du stand-up, par contre c’est hyper chouette qu’il y en ait de plus en plus parce que ça prêche une parole très importante, particulièrement aujourd’hui. C’est la manière la moins récalcitrante, violente et chiante de faire passer ces messages.


Les réseaux sociaux y sont pour beaucoup.
Tu sens que sans ça ton métier serait différent ?

Oui puisque je me suis fait connaître
grâce à ça alors que j’étais déjà sur scène. Ça m’a permis de faire venir du monde dans la salle. Mais sans les réseaux, mon quotidien ne serait pas si différent. Il y a beaucoup de gens très suivis sur Internet qui ne remplissent pas forcément les salles, parce
qu’il faut avoir la bonne cible qui va se déplacer et payer sa place pour venir voir le spectacle. Les réseaux peuvent aussi être risqués, ce n’est pas une bonne idée pour tout le monde et
on peut facilement tomber dans ce piège. Nombreux sont ceux qui se grillent en faisant un contenu moins qualitatif pour se faire connaître à tout prix, par exemple.


Entre ce spectacle, les réseaux et tes chroniques sur France Inter, tu as l’impression d’avoir trouvé un équilibre dans ton métier ?

Oui et en même temps c’est un équilibre précaire. Je termine mon spectacle bientôt et la question se pose de savoir comment
me renouveler. J’ai eu une espèce de stabilité pendant 2 ou 3 ans mais je ne considère pas avoir une stabilité quotidienne puisque je me dois de constamment trouver de nouvelles idées. Mais c’est ça qui m’anime au final.


Irréprochable de Tristan Lopin

L'Olympia
28, boulevard des Capucines – 9e
Le 2 avril 2024
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