Thelma, une parabole moderne et mystique

undefined 23 novembre 2017 undefined 16h00

Louis Haeffner

On n'a pas toujours l'occasion de voir des films vraiment réjouissants au cinéma, des trucs qui sortent un peu des comédies françaises à deux balles et des superproductions hollywoodiennes. Il faut chercher un peu quoi. En mélangeant habilement les genres, Thelma nous offre cela, et bon Dieu ça fait plaisir !


Thelma est une jolie jeune femme, fraîchement débarquée de sa campagne norvégienne à la fac d'Oslo. Un jour, à la bibliothèque, elle ne peut s'empêcher de regarder la belle étudiante qui s'installe à côté d'elle. Quelques minutes après, elle est saisie de tremblements, de spasmes, et s'effondre. Elle ne racontera pas cet épisode à son père, avec qui elle partage pourtant tout. Par la suite, les crises et les événements étranges se multiplient au rythme de l'intensification de sa relation avec Anja. 

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Ce que Joachim Trier filme dans cette relation, c'est, évidemment, le frisson des premiers émois, puis le désir, implacable, qui emporte tout, mais c'est aussi le rejet d'un père ultra-protecteur et des valeurs qu'il a inculquées, l'embrassement de l'interdit, si propre à cette période de la vie. Une jeune femme apparemment innocente tombe amoureuse, et le péché suit, invariablement : première cigarette, première cuite, premier joint. Dans une sorte de crise de culpabilité, Thelma va pourtant prier pour que tout cela disparaisse, pour que le Seigneur la "délivre du mal". Elle sera exaucée.

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Plongé dans une ambiance à la fois inquiétante et étrangement contemplative, on assiste à la naissance de cette jeune femme, qui jusque-là avait été "protégée" du monde extérieur par ses parents. On va cependant comprendre petit à petit que c'est plutôt l'inverse qui se passe, que ce sont les autres qui doivent être protégés de Thelma, qui possède une sorte de pouvoir psychique...

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Si les amours adolescentes donnent un contexte léger et quelque peu sentimental au film, c'est pourtant la croyance qui est le point central du propos de Joachim Trier, qui semble ainsi vouloir nous faire réfléchir au pouvoir de la volonté et à son incidence dans la symbolique chrétienne, à travers la figure christique de Thelma. En témoigne la scène finale, qui rejoue, tout simplement, une parabole biblique bien connue, celle du paralytique.

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Entre réflexion ésotérique, thriller et teenage movie, Joachim Trier livre une œuvre pleine, touchante et saisissante. Sa maîtrise de la temporalité et une photographie toute en clair-obscur lui permettent d'apporter une touche mystique à son métrage, et d'ainsi sacraliser par l'image ce qui restera l'un des meilleurs films de l'année, et la confirmation de son talent de réalisateur, déjà largement entrevu avec Oslo, 31 août.


Thelma
, de Joachim Trier

Avec Eili Harboe, Okay Kaya, Ellen Dorrit Petersen 
En ce moment en salles