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L’atelier des artistes en exil, un refuge pour continuer de créer malgré la guerre

Publié le 1 février 2024 à 16h25

Modifié le 2 février 2024 à 18h04

par Auriane Camus

En plein cœur de Paris, à deux pas de la place des Victoires, au premier étage d’un bâtiment détenu par la Ville de Paris, se trouve un espace de près de 2000 m2 entièrement dédié à l’art et à la solidarité. Dirigé par Judith Depaule, metteuse en scène et cofondatrice de l’association, l’atelier des artistes en exil accueille et accompagne les artistes en situation d’exil en leur proposant à la fois une aide administrative, juridique, sociale et psychologique, mais aussi en leur donnant les moyens d’exercer leur profession.

Ici, les artistes disposent gratuitement d’espaces et de matériel de travail, ainsi que de cours de français, de formations, de bourses à la création… Bref, tout ce qu’il faut pour leur permettre de repartir du bon pied dans un pays qui n’était pas le leur.


1000 ambiances dans un seul lieu

Sculpture, peinture, danse, théâtre, son, couture, montage vidéo, sérigraphie, tirage argentique, sculpture, céramique… Ici près d’une quinzaine d’ateliers et de studios sont partagés par les membres de l’association. De la musique résonne derrière l’une des nombreuses portes du grand atelier, on entend le bruit des machines à coudre et le silence des peintres derrière une autre : chaque pièce abrite une ambiance différente.


© MAXIM KOROTCHENKO / AA-E

Plus qu’un simple lieu de création et d’aide, l’atelier des artistes en exil se veut intercommunautaire et socia(b)le : « L’atelier est aussi l’occasion de rencontrer des gens que les artistes n’auraient jamais rencontrés dans un autre contexte. Quand on attribue les places, on fait attention de mettre en cohabitation des artistes qui se complètent, ou au moins qui ne se dérangent pas ».

On a par exemple fait la rencontre de Tetiana Cheprasova, artiste ukrainienne qui aborde, entre autres, le siège de Marioupol dans ses tableaux. Quelques pièces plus loin, L’enga Kingo Hugor, artiste kinois, représente « le massacre des innocents » à travers des peintures d’enfants soldats aux couleurs chatoyantes. Ici, les artistes vont et viennent jusqu’à minuit, avant de rentrer chez eux ou bien dans leur centre d’hébergement. 


Comment est née l’association ?

En 2015, Judith Depaule démarre à Confluences, un lieu intermédiaire parisien dédié à l’art sous toutes ses formes, à la fois un lieu d'exposition et de spectacles : « à cette époque, on a connu une crise migratoire très importante. On a vu arriver beaucoup d’artistes syriens qui fuyaient leur pays et qu’il a fallu aider. On s’est rendu compte à ce moment-là qu’on avait une capacité d'accueil insuffisante et surtout pas très adaptée au travail des artistes », explique-t-elle.

« Les loger ne suffisait pas, on les a aidés dans toutes les démarches administratives et d’intégration, comme les demandes d’asile, l’affiliation à la sécurité sociale, l'apprentissage du français… », ajoute-t-elle ensuite. Une situation qui dure pendant environ 18 mois, jusqu’à la fermeture du lieu pour raisons financières.


© Cyrielle-Dagneaud / AA-E

Après l’organisation d’un festival consacré à la Syrie, ainsi qu’un salon d’artistes en exil, le monde de la culture prend conscience du besoin d’accompagnement de toutes ces personnes réfugiées. Nombreux·ses sont celles et ceux qui expriment leurs difficultés à exercer leur art et à trouver les bons interlocuteurs. « On s’est dit qu’il fallait créer quelque chose de pérenne et avoir une vraie organisation dédiée à ce public », affirme Judith Depaule.

C’est ainsi que l'atelier des artistes en exil est né, en janvier 2017. L’association s'installe d’abord dans le 18e, près de la Porte de la Chapelle, grâce à la générosité d’un grand philanthrope qui leur prête un local gratuitement. Deux ans plus tard, le local est vendu et l’association obligée de déménager. La Ville de Paris décide de loger l’association gratuitement, d’abord dans ses ateliers beaux-arts, dans le 13e, puis près de Bastille pendant quelque temps, et enfin rue d'Aboukir, lieu de résidence actuel de l’atelier depuis fin 2019.

« Notre but, c’est d’aider les personnes qui viennent nous voir et sur le plan juridique, administratif et social, et sur le plan professionnel. On essaie de ne pas séparer l’artiste de l’individu, car cela fait partie d’eux. On ne veut pas juste les aider à vivre, on veut qu'ils vivent leur art aussi », explique la metteuse en scène.


Une aide plurielle

Les aider à vivre de leur art, oui, mais pas question non plus de se transformer en agent artistique : « Notre idée, en plus de leur offrir un lieu de travail et un espace de création, c’est d’être une interface entre ici et le monde du travail. On les accompagne pour créer un portfolio ou rédiger des contrats par exemple. Et contrairement à un agent, on ne ponctionne pas leurs revenus lorsqu’ils vendent des œuvres : l’association touche 20% de la vente qui atterrit dans une sorte de pot commun et qu’on utilise pour racheter du matériel. L’atelier, c’est un peu comme une maison qui appartient à tout le monde en fait. »

L’association fait également intervenir des professeurs de français pour leur apprendre non seulement la langue, mais aussi à reprendre confiance en eux : « quand on a surmonté des épreuves comme les leurs, il faut réapprendre à s’affirmer et tout ça passe aussi par le corps, notamment lors des démarches administratives », nous explique-t-on. Fin 2023, près de 600 membres étaient inscrits à l’association, dont une centaine aux cours de français.


Une programmation événementielle annuelle

Chaque année, l’association ouvre ses portes au grand public et dévoile sa programmation à l’occasion de son festival Visions d’exil. L’occasion de découvrir tous les artistes qui se cachent derrière la porte de l’atelier, dans les plus grandes institutions culturelles de la capitale. Performances, spectacles, tables rondes, expositions, lecture, concerts, projections… Un melting-pot d’arts vivants et d’arts plastiques prend la capitale d’assaut pour notre plus grand plaisir.

Le reste de l’année, tout un chacun peut tout de même pousser la porte de cette maison arty, que ce soit pour rejoindre les rangs des bénévoles ou déposer du matériel, ou bien pour obtenir de l’aide, à condition d’être un artiste en exil bien sûr.


Atelier des artistes en exil

6, rue d’Aboukir – 2e
Tél. : 01 53 41 65 96
Instagram : @atelierartistesexil
https://aa-e.org/

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Le plus gros rassemblement de Kevin organisé à Paris ce lundi

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par Auriane Camus

Vous vous appelez Kevin et vous en avez marre que la Terre entière se moque de votre prénom à longueur de temps ? C'est votre jour ! Ce lundi 17 mars, le plus grand rassemblement de Kevin jamais organisé se tiendra devant le Forum des Images, en plein cœur de la capitale, à partir de 19h30. Et la bonne nouvelle, c'est que vous avez le droit de venir les soutenir, même si vous ne vous appelez pas Kevin.


Le rendez-vous des Kevin

Si ce rassemblement pas comme les autres a lieu à cette date, ce n'est pas pour fêter la Saint-Kevin (qui a lieu le 3 juin) mais pour marquer la sortie sur grand écran du documentaire Sauvons les Kevin, en présence du réalisateur Kevin Fafournoux, ce lundi 17 mars à partir de 19h30 au Forum des Images. Le film d'1h05 sera ensuite diffusé sur Paris Première le samedi 22 mars à 22h55, pour celles et ceux qui n'aurait pas pu assiter à l'événement.


Sauvons les Kevin

Un documentaire realisé par un Kevin, pour les Kevin et avec des Kevin, il fallait y penser. C'est pourtant le pari fou entrepris par Kevin Fafournoux, directeur artistique, motion designer, et surtout réalisateur du documentaire Sauvons les Kevin. Depuis 2022, ce dernier a entrepris une campagne de financement participatif avec pour objectif la sortie d'un documentaire autour de ce prénom si populaire des années 90. On vous en parlait d'ailleurs déjà à l'époque lorsque la campagne venait d'être lancée.

« Sous un angle humoristique, ce film aura pour but d'analyser les stéréotypes et clichés autour de mon prénom et de voir comment ils entrainent des préjugés voire même de la discrimination, explique le réalisateur sur son site internet. Avec une ambition ludique, didactique, il permettra de comprendre ce type de mécanismes, d'encourager à les déconstruire pour mieux raisonner. Et qui sait, peut-être même inverser la tendance et remettre les Kevin à la mode. »

Et bonne nouvelle, après plusieurs années de travail, le documentaire est sur le point de sortir sur grand et sur petit écran. Comme promis, il mettra en scène tout un tas de Kevin aux expériences et horizons différents : un Kevin médecin, un Kevin avocat, des Kevin vieux, des Kevin jeunes, un Kevin qui a fini par changer de prénom... Tous partageront leur expérience et raconteront comment ils vivent avec ce même prénom. Bien évidemment, un documentaire ne serait pas complet sans quelques scientifiques pour donner leur avis : sociologues et chercheurs décrypteront les tendances et les mécanismes qui ont mené à cette vision stéréotypée de ce prénom. Le tout avec un univers pop et décalé, en référence aux codes visuels des années 90, période phare des Kevin. 

Et en attendant la sortie du docu, vous pouvez toujours aller faire un tour sur la page Ulule du projet ou sur le site de Kevin Fafournoux, pour en apprendre plus sur l'évolution du projet, sur le réalisateur, ou juste sur le prénom Kevin. 


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