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INTERVIEW. Dany Dann : « Je veux être le Kylian Mbappé du breakdance »

undefined undefined 15 juillet 2024 undefined 17h00

Flora Gendrault

Danis Civil, de son nom de scène Dany Dann, est au sommet de son sport, on pourrait même dire son art. Lorsque nous le rencontrons, deux mois le séparent des épreuves de breakdance aux Jeux olympiques 2024, et pourtant le redoutable compétiteur de 35 ans a déjà marqué l’Histoire en devenant le premier Français qualifié dans sa discipline. L’accomplissement de 20 ans de carrière, depuis ses premiers mouvements dans le sable chaud de Guyane jusqu’aux planchers en vinyle des salles de danse françaises, sur lesquels le danseur accepte de revenir pour confier son état d’esprit, ses apprentissages, sa force de volonté et, surtout, de vaincre.


« Le breakdance m'a appris à dépasser ma timidité » 

Comment as-tu commencé le breakdance ? Je sais que c’était en Guyane, quand tu avais 15 ans.

J’ai commencé par hasard. Je passais devant une salle de MJC (structure associative, ndlr), j’ai vu que les portes étaient ouvertes, et j’ai reconnu la silhouette de mon cousin. Je me suis arrêté, j’ai écouté pour la première fois la musique que je ne connaissais pas, du breakbeat, une musique remixée adaptée pour les danseurs. Je suis resté devant la salle puisque j’étais timide à cette époque, et j’ai regardé ces enfants qui étaient de mon âge, plus grands, plus petits, des filles et des garçons. Je suis resté 1h30, j’ai été impressionné, bouche bée, et surtout, je me suis dit que c’était quelque chose que j’avais envie d’essayer. 


Est-ce qu’être né dans une famille nombreuse, ça aide à développer l’esprit d’équipe ? 

Dans ma famille, on est dix. Je suis le septième, et on avait déjà ce côté esprit d’équipe, mais le breaking m’a apporté encore autre chose. Ça m’a permis de me découvrir moi-même, d’intensifier ma personnalité, puisqu’à 14-15 ans on se cherche encore. J’ai appris à travailler avec les autres, et à dépasser ma timidité. Ma politique, c’était « Je te connais pas, je te parle pas ». Dans la culture du breaking, on échange même si on se connaît pas personnellement, en tant que rivaux et pour partager des mouvements qui se ressemblent. J’ai grandi avec le breakdance et ça m’a fortifié mentalement.


Quand as-tu décidé de te professionnaliser en France ? Tu as eu un déclic ? 

C’est à partir de 2008. Avec mon cousin, on avait participé à plusieurs compétitions, fait le tour de Guyane, le Suriname, le Brésil. On se disait que si on voulait vraiment développer nos capacités et progresser, il fallait aller en France. Alors on a pris la décision de tout plaquer et prendre nos billets. Là-bas, on a vraiment réappris la danse. Au début, on faisait des petits boulots pour subvenir à nos besoins, pour payer les factures, pour se sécuriser. Je prenais exceptionnellement des mi-temps qui me permettaient de continuer l’entraînement et de partir en week-end pour les battles.

© @sbk Clément Gonthier 


« Je connais le goût de la défaite, j'ai pas envie de l'avoir après »

Est-ce que tu rêvais des Jeux olympiques

Les JO, c’est pas un truc dont j’ai rêvé, mais c’était un objectif. En 2019, ils ont fait l’annonce que le breaking allait faire son entrée aux Jeux, et je me suis dit que j’allais tester, que c’était un battle comme un autre. Je suis entré en équipe de France en 2021, et je n'imaginais pas tout ce qui allait se passer jusqu’en 2024. Des victoires, des défaites, des blessures, des rencontres. J’ai encore appris sur moi-même, sur le milieu olympique, sur la fédération, sur comment ça se passe en tant qu’athlète, mon rapport avec les médias, comment je me protège, mon équipe, mon agent... parce qu’avant, je n'en avais pas. Il y a une gestion du stress, de la pression, de l’organisation autour de moi.

Tout ça, j’ai appris à l’accepter parce que je ne faisais pas confiance. Je ne fais toujours pas confiance, mais j’apprends (rires). Tout ça me permet de me professionnaliser, je suis pro mais je peux encore m’améliorer pour être un grand athlète, un grand sportif, un grand représentant, une espèce de Kylian Mbappé du break. Il me manque juste la petite médaille en or.


À quoi ressemble une routine de b-boy en route pour les JO ?

Je loge à l’Insep (l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance, ndlr) avec les autres membres de l’Équipe de France. On s’entraîne là-bas. J’ai une préparation physique, une préparation mentale, une nutritionniste. En ce moment, je suis blessé, je me suis fait une rupture des ligaments de la cheville début juin, donc on travaille avec les kinés et le docteur. […] C’est ma première blessure grave. Je reste confiant, parce que c’est une blessure que le staff médical a l’habitude de travailler, je pense que je serai prêt pour les dates des Jeux. Il me reste à peu près deux mois. Je connais le goût de la défaite, je n'ai pas envie de l’avoir après, donc je me donne à fond pour ressortir vainqueur.


Quelle casquette préfères-tu ? Danis Civil ou Dany Dann ? Tu arrives à dissocier les
deux ?

Je ne peux pas dissocier les deux, parce que c’est grâce à Dany Dann que Danis Civil est là, et vice-versa. C’est la folie que j’ai. Je suis quelqu’un d’assez joyeux, sur scène ça se voit, dans la vie aussi. Ceux qui me fréquentent savent que je peux dégainer des vannes à tire-larigot, et avoir des discussions sérieuses. Pareil pour le break, quand je propose des mouvements assez sérieux pour gagner, ou quand je suis plus décontracté pour montrer que je suis à l’aise. […] J’utilise la casquette à laquelle les gens m’associent. Parfois, je suis considéré comme Dany Dann, le champion qui va gagner les JO, le lendemain comme le bon pote qu’on va insulter parce qu’il n’a pas répondu aux messages. 


Le break n’est pas reconduit aux JO 2028. Ça te met une pression supplémentaire

C’est très simple : on ne peut pas me demander ce que ça me fait si je n’ai pas déjà goûté à la victoire la première fois. Si je ne connais pas le goût du gâteau au chocolat, comment je peux donner un avis dessus ? (rires) Ça ne me fait pas ni chaud ni froid, mais je prends les choses step by step. Je me concentre sur 2024 avant de penser à 2028, ou 2032.

© @sbk Clément Gonthier