Adieu et sans rancune, cher ticket. On te l’accorde, t’es franchement discret, t’as transporté à droite à gauche mille et un touristes et Franciliens, t'as permis à bon nombre d'entre nous d'éviter la grosse amende en te baladant au fond de notre poche, mais avoue-le, diable ce que tu pollues ! Selon la RATP, une fois jeté au sol, un ticket de métro met près de deux ans à se décomposer. Trop c’est trop, il fallait que ça cesse.
Initiée en octobre 2021 avec la fin de la vente des carnets de tickets en carton aux automates dans une centaine de stations parisiennes, la volonté de la Ville de le faire disparaître définitivement sera très prochainement appliquée. On salue la démarche, mais c’est pas pour autant qu’on ne lui adressera pas un dernier hommage. Comme le dit Grégoire Thonnat, esitériophile et auteur de Petite histoire du ticket de métro parisien, il est « le reflet de l'évolution de la vie parisienne. » Traversons donc une dernière fois les époques à ses côtés…
1903 : le précieux sésame naît
© Collection Grégoire Thonnat
Il est émis à l’inauguration de la Ligne 1 le 19 juillet 1900, et vendu à 30 000 exemplaires. Chaque tarif bénéficie alors d’une couleur distincte : rose pour les première classe, à 25 centimes (anciens francs), l'aller-retour et crème pour les deuxième classe, à 20 centimes. Eh oui, même dans le métro, les plus pauvres se faisaient bolosser.
1930 : tarif réduit inédit pour les mutilés de guerre
© Collection Grégoire Thonnat
La Première Guerre mondiale provoque une augmentation du prix du ticket, jusqu’à l’instauration d’un principe "d’alphabet tarifaire" en 1925. Chaque changement du système tarifaire est désormais matérialisé par une lettre : A, B, C, D, etc. L’ancêtre de la carte Navigo, la "carte hebdomadaire de travail", voit le jour la même année : elle permet un ticket valable pour 12 voyages au prix de 10 francs.
En 1930, trente ans après sa création, le tout premier tarif réduit du réseau est destiné aux mutilés de guerre, symbole du poids des anciens combattants de la Grande Guerre. Ils payent 10 centimes de moins qu'en 2e classe.
1943 - 1945 : la guerre jusque dans le métro
© Archives de Paris
Au cours de l’Occupation, plusieurs restrictions sont imposées par les Allemands aux tickets de métro, guidés par la volonté de réduire les volumes de papier nécessaires à sa fabrication. On fait alors disparaître les carnets de 10 tickets au profit de carnets de 5, chacun « valable pour deux voyages ».
1973 : ticket pimpé, entre magnétisme et couleur
© Collection RATP
Eh oui, elle n’a pas toujours existé : la bande magnétique à l’arrière des tickets se voit généralisée en octobre 1973, alors que sont installés des portiques automatiques et des tourniquets dans toutes les stations. À partir de cette date, les voyageurs compostent eux-mêmes leurs tickets, de couleur jaune, blanche, en passant par le vert jade ou le violet. L’alphabet tarifaire, lui, est abandonné.
2001 : ça chauffe déjà pour le ticket
© Shutterstock - BreizhAtao
Les progrès technologiques ont leurs raisons que le papier ignore : les années 2000 marquent l’avènement de l’ère du "sans contact". Les usagers peuvent alors valider leur ticket encore plus vite, une aubaine pour le secteur du transport qui voit la circulation se fluidifier. Le pass Navigo remplace d'abord le ticket intégral, puis la carte Imagine R pour les étudiants et les coupons mensuels et hebdomadaires. Presque 25 ans plus tard, le ticket disparaîtra définitivement. Le compte à rebours est lancé : il lui reste environ un an.