-ground-picture-shutterstock

[ENQUÊTE] Peut-on faire un Noël écoresponsable ?

undefined undefined 1 décembre 2023 undefined 11h33

undefined undefined 1 décembre 2023 undefined 14h30

Lucie Guerra

Décorations scintillantes dans chaque recoin de la maison, sapin on ne peut plus majestueux qui trône au milieu du salon, cadeaux à foison, tablées dignes des plus grands buffets… La fin d’année arrive avec ses grosses bottes et, avec elle, cette fête que l’on attend toute l’année avec impatience : Noël. Si les célébrations sont censées être synonymes de plaisir, décembre se transforme pourtant en véritable course contre la montre pour parvenir à préparer les menus, faire tous les achats et s’assurer que la nièce de la cousine de notre oncle aura bien son paquet à déballer le soir du réveillon. Qu’à cela ne tienne, les traditions avant tout !


© S&B Vonlanthen / Unsplash

Aussi importantes que magiques, ces traditions ne sont cependant pas sans impact pour notre chère planète. Une étude menée en 2007 par le Stockholm Environment Institute, estime que tous les ans, durant les fêtes, un individu émet 650 kilos de CO2, soit la moitié de ce qu’une personne devrait émettre annuellement. Pourquoi un tel chiffre ? Sans surprise, ce désastre écologique est dû aux déplacements multiples pour s’assurer de bien fêter Noël avec tous les membres de la famille, aux cadeaux neufs, en plastique, parfois même les deux, achetés par dizaines ou à ce reste de repas que l’on finit par jeter parce qu’on « ne va pas garder que ça, quand même ». Bref, une succession de choses qui viennent finalement ternir le bilan des fêtes. Mais cela en vaut-il vraiment la peine ?


Une fête de la surconsommation

Si cette crise touche l'ensemble des catégories sociales de nos sociétés actuelles, Noël rime bien souvent avec surconsommation. C’est d’ailleurs à l'après-guerre, que Nadine Cretin, historienne des fêtes, retrace les origines de cette surabondance. « Avec l’instauration du Plan Marshall aux États-Unis en 1948, la société de consommation a augmenté », explique-t-elle. La machine est alors enclenchée : aux traditions et aux festivités de Noël, s’ajoute un aspect marketing incitant à acheter toujours plus.


©Alsu Vershinina/Unsplash

Si à l’heure actuelle, cette consommation de masse semble connaître « une faible diminution », selon l’historienne, une étude menée en 2022 par l’Agence de la transition écologique (ADEME) révèle tout de même que 77 % des Français·es offrent des cadeaux neufs à leurs proches. 66 % les emballent dans du papier cadeau. Pour plus de la moitié des citoyen·nes interrogé·es, il serait d’ailleurs inenvisageable d’arriver sans présent le soir des fêtes. Le problème, c’est qu’un·e Français·e sur trois est déçu·e par au moins un de ses cadeaux et ils sont plus de 7,3 millions à prévoir de les revendre rapidement après les avoir reçus, d’après une étude Ebay datant de décembre 2020. Or, si les cadeaux non-désirés n’étaient pas achetés, cela permettrait d’économiser 80 kilos de CO2/personne, comme l’explique le Stockholm Environment Institute.


Des alternatives plus vertes

Les cadeaux ne sont pas les seuls à avoir des conséquences dramatiques sur l’environnement. Côté décorations, les multiples ampoules utilisées pour faire scintiller les façades de nos villes et nos maisons sont de véritables puits à énergie. Pour décorer l’ensemble de la France, l’ADEME affirme qu’une puissance de 1300 mégawatts est nécessaire, soit l’équivalent de la puissance d’une centrale nucléaire. Rien que ça.


©Shyntartanya/Shutterstock

Reste encore le transport. Pour se déplacer les uns chez les autres, durant les fêtes, la voiture reste le moyen privilégié des ménages. En moyenne, ils parcourent 243 kilomètres aller-retour. Au dîner, ce sont des repas traditionnels qui sont placés sur la table dans 81 % des cas, contre seulement 2 % de mets végétariens ou vegans. Des alternatives existent cependant, comme l’utilisation d’ampoules LEDs pour décorer son chez-soi, qui permettrait notamment une économie d’énergie de 95 %. Si le train était privilégié à la voiture, 63 kg d’émission de CO2 par personne pourraient être évitées d’après l’institut suédois.


Les traditions, les indétrônables

Si l’impact environnemental des fêtes est on ne peut plus inquiétant, paradoxalement, l’ADEME révèle que 43 % des Français·es n’ont jamais pensé au sujet environnemental au moment des fêtes de fin d’année. Pour 24 % d’entre eux, c’est une période propice à la détente, où il est envisageable de faire une entorse à ses principes environnementaux. D’ailleurs, nombreux sont ceux qui se disent réticents à exclure le sapin de Noël, les décorations lumineuses ou encore à arrêter d’emballer les cadeaux.

Les traditions, elles, ont le vent en poupe. « Elles sont plus anciennes qu’on ne le croit, précise Nadine Cretin, les Romains se faisaient déjà des cadeaux en début d’année, au moment des calendes de janvier. » Et en ce qui concerne les banquets plus qu’abondants, le constat est le même. « Déjà au IVe siècle, il y avait des grands repas considérés comme porte-bonheur. On parlait de “tabula fortunata”, l’abondance promet l’abondance. C’était un gaspillage cérémoniel volontaire, parce que la profusion appelait la prospérité sur le foyer », développe l’historienne.

©Marie Symchych/Shutterstock

Alors Noël et écologie, sont-elles deux choses réellement compatibles ? Pour Elsa, 23 ans et aînée d’une fratrie de trois enfants, ça ne fait pas de doute : « Pour des questions environnementales, chez nous, le tissu a remplacé le papier cadeau et mon père a construit un sapin en bois avec des chutes de planches en forme de triangles, à la place d’un sapin coupé. » À cette même question, Nadine Cretin apporte une réponse plus nuancée. Pour l’historienne, qui compare Noël à la fête américaine de Thanksgiving, la valeur de la famille et le plaisir de se réunir prédomineront toujours. Les trajets d’une ville ou d’un pays à l’autre seront, dès lors, inévitables. « Oui, les deux peuvent être conciliables, mais c’est au bon vouloir de chacun. Beaucoup de mairies et de communes ont voulu trouver des solutions alternatives au sapin par exemple. Mais souvent, elles désolent. Quoi que l’on veuille faire, la magie de Noël voudra toujours s’imposer », termine l’historienne.


Pour aller plus loin :

- "Les impacts environnementaux des fêtes de fin d’année", une étude menée par l’ADEME
- Noël et le gaspillage alimentaire, un documentaire disponible sur Arte.tv
Noël autrement, un podcast créé par Les Reporterriens