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Le resto-basket à Paris, pratique rare ou véritable fléau ?

undefined undefined 29 mars 2017 undefined 00h00

undefined undefined 30 mars 2017 undefined 12h25

Olivia

Grivèlerie, filouterie, resquille, autant de mots pour qualifier une pratique qu’on connaît plus sous le terme de "resto-basket", soit le fait de partir sans payer l’addition. On a d’ailleurs tous un pote ou une connaissance qui l’a fait ne serait-ce qu’une fois (tu fais même peut-être partie de ceux-là). Mais finalement, est-ce que c’est rare ou pas ? Quid des conséquences si on se fait choper ? Et les restaurateurs dans tous ça ? On a mené l’enquête.


Le 27 février, le restaurant El Carmen dans une petite bourgade espagnole a été victime d’un resto-basket assez surprenant. Plus de 120 personnes sont parties sans payer en laissant une note salée de 2 200 euros. Selon les faits rapportés, les auteurs du délit seraient partis tous ensemble d’un coup, en toute détente, dans leurs voitures. Impossible donc pour les restaurateurs de leur courir après.

Mais si ces cas d’additions faramineuses restent assez rares, qu’en est-il des petits délits de filouterie ? Il est bien difficile de connaître l’étendue du phénomène en France car aucun chiffre officiel n’existe. La raison est assez simple : quand ça arrive, soit le petit filou se fait attraper et finit par payer, soit le restaurateur ne prend pas la peine de porter plainte. « Sans l’identité du client, il n’y a pas grand-chose à faire », nous dit-on, et c’est alors le serveur qui trinque.

Difficile donc d’évaluer le nombre de resto-basket à Paris, et ce d’autant plus quand on interroge les restaurateurs.

On est allé faire un tour dans le coin de la rue du Faubourg-Montmartre. On tombe d’abord sur Didier, gérant d'une brasserie rue Cadet dans le 9e, qui n’a jamais eu ce problème. « J’ai une clientèle attitrée, donc c’est différent, mais si vous allez vers les Grands Boulevards, vous trouverez des restaurateurs sujets à ce genre de choses », m'explique-t-il. 

On s’arrête quand même au bout de la rue, au Faubourg 34, un café-restaurant d’angle (et donc plus propice aux resto-basket) pour voir ce qu’il en est. La responsable, Caroline, et Stéphane, le gérant, nous racontent que ça arrive certes, mais assez rarement finalement. « On surveille énormément (...) Et puis on court vite, on est forts en plaquage », plaisante-t-il.

La dernière fois que ça lui est arrivé, c’était avec des vieux, « et la réponse qu’ils m’ont sortie, c’est "on aura essayé" », raconte-t-il, amusé. 

Direction les Grands Boulevards où le discours change de façon radicale. Vers là-bas, les établissements sont ouverts jusque tard dans la nuit, moment où les resto-basket sont beaucoup plus fréquents, comme nous l’explique Jean-Marc, gérant de nuit à la Porte Montmartre, boulevard Poissonnière :

« Ça arrive une fois par semaine, pas vraiment le midi, souvent le soir et la nuit », me dit-il. « Après on fait très attention, disons qu'il y a beaucoup de tentatives. Parfois ils arrivent à partir et à se faufiler dans la masse et là c’est fichu, mais si on les voit c’est bon, on court un peu et on les rattrape. »

Il nous raconte alors la dernière fois que ça s'est passé :

« Il y a une dizaine de jours, un soir de week-end, c’était deux gars avec carrément des pintes, des burgers, ils avaient bien mangé, bien bu, on les a rattrapés rue d’Uzès là-derrière, à 150 m (…) Le portier et le serveur sont partis en courant, je les ai suivis et puis voilà ils ont payé, faut dire que le serveur était très virulent, l’addition avoisinait les 80 euros. »

Eh oui car un resto-basket à un coût. Ce sont souvent les serveurs qui se retrouvent à payer l’addition orpheline, même si cela est interdit par la loi. L'article L.1331-2 du code du travail stipule en effet que l’employeur ne peut sanctionner financièrement son salarié. Et pourtant, la plupart des gens du métier que l’on a interrogés trouvent ça normal. « C’est quelque part un peu logique aussi, car sinon toutes les 5 min ils (les serveurs, ndlr) diraient que les clients sont partis sans payer et ils garderaient l’argent », lance Jean-Marc.

Caroline du Faubourg 34 tempère : « Les serveurs payent, après ça arrive que les patrons payent aussi quand on est de bonne foi ». 

Une chose est sûre, ils sont tous d’accord pour dire qu’il n’y a pas de profil type de personnes adeptes des resto-basket. Petits vieux, jeunes de très bonnes familles, bandes de copines, couples… Tout le monde est un filou potentiel.

Tandis que certains ne l’ont fait qu’une fois, d’autres sont de véritables fripons adeptes de la pratique.

Certains le font pour l’excitation :

« C’était notre premier date, on est allé boire un coup au Fantôme, et on a eu la flemme de payer, Felix était en chappy (mobylette, ndlr), en étant un peu pompettes on s’est dit "on se barre comme Bonnie and Clyde", on a échafaudé un plan, il s’est levé, a enfourché son chappy, et je l’ai rejoint. Il y avait pas mal de monde, ils ont pas fait gaffe, on s’est barré et on a trop rigolé, on a quand même laissé une note de 120 balles », raconte Carlotta, 29 ans. 

 D'autres, "malgré eux" : 

« Ce n’était pas de mon fait, raconte Raphaelle, 25 ans. J’étais avec mon cousin, c’est pas moi qui allais payer de toute façon, et c’est lui qui m’a dit, "vas-y c’est dégueu, les serveurs sont pas sympas, on y va". On était en terrasse, il s’est levé, j’avais pas le choix, je l’ai suivi. »

Mais ne le cachons pas, il existe aussi de vrais adeptes de la technique. C'est le cas de Jean-Christophe, 28 ans, qui ne cache pas qu'il le fait assez souvent, « pour rigoler, par mesure de rétorsion quand la bouffe est mauvaise, ou tout simplement quand tu te rends compte que la disposition est propice ». 

« Il faut se mettre près d’un endroit où tu peux sortir tranquillement, il ne faut pas partir tous ensemble, un qui part en premier, pendant ce temps l’autre part aux toilettes et en profite pour filer directement après, raconte-t-il. Surtout, il faut le faire dans les cafés ou restos situés à un coin de rue, comme ça le mec ne peut pas savoir de quel côté partir, ça maximise tes chances de le semer. »

Et la culpabilité dans tout ça ? Elle est nulle. « Je ne fais ça que dans des endroits où il y a beaucoup de débit et où finalement ça ne change pas grand-chose pour eux. »


La filouterie est un délit, avec une peine pouvant aller jusqu’à 6 mois d’emprisonnement, 7 500€ d'amende et éventuellement des dommages et intérêts pour rembourser la victime. Et pourtant, la plupart du temps, ça se solde par une simple course-poursuite dans la rue ou une addition impayée. Plutôt démunis face aux recours en cas de grivèlerie, les serveurs n'ont finalement qu'une solution : être très vigilants. Alors avant de tenter, n'oublie pas qu'on a souvent un œil sur toi... 

*certains prénoms ont été modifiés