Pourquoi les hommes paient-ils toujours l’addition ?

undefined 22 novembre 2016 undefined 00h00

Laura

Les hommes ont toujours payé l’addition, et on serait tentés de rajouter « C’est comme ça ». Sauf que cette explication vide de sens et de patience ressemble beaucoup trop à celle qu’on donne aux enfants quand on n’en a pas vraiment. Pour répondre à cette question au cœur des changements dans les relations hommes-femmes, de nombreux chercheurs, sociologues et philosophes se sont penchés sur le sujet…


D’après une étude de l’Université du Minnesota, les femmes qui portent des vêtements et accessoires de luxe sont perçues comme étant en couple avec un partenaire dévoué et investi dans la relation. De cette étude découlent deux conclusions : les possessions les plus chères d’une femme lui sont forcément offertes par son conjoint, et l’investissement affectif de l’homme dans une relation est mesuré en fonction de son investissement financier. Rien de très moderne ou même de romantique là-dedans.

Dans notre société occidentale, le don monétisé est donc une preuve d’intérêt, voire d’amour. En payant l’addition au restaurant, l’homme montre à sa partenaire qu’elle l’intéresse, qu’il est prêt à dépenser son argent pour ses beaux yeux, à (s’)investir dans la relation. Selon Caroline Henchoz, professeure de sciences humaines à l’université de Fribourg et experte des questions d’argent dans le couple, l’argent est effectivement perçu comme « un facteur de séduction ».

Mais la carte bleue est aussi un symbole de virilité pour l’homme. « On a tous profondément ancrée en nous l’idée que l’homme doit protéger la femme, que c’est son rôle social », soulève le psychanalyste François Lelord. Sa façon moderne de la protéger, c’est en lui assurant une aisance financière, en lui garantissant qu’il peut pourvoir à ses besoins. Si l’homme paie encore l’addiction, c’est parce que cette vision dépassée du couple a beaucoup de mal à laisser sa place aux nouveaux principes d’égalité, et ce n’est pas uniquement du fait des hommes… 


Encore de nombreuses contradictions

Dans un article paru sur Le Plus, la chercheuse en philosophie Laura-Maï Gaveriaux écrit : « J’ai toujours trouvé radin le type qui calcule sa part de l'addition, je trouve exaspérant celui qui cherche à payer à chaque fois, je trouve charmant celui qui vous invite la première fois et vous laisse l’inviter la fois d’après. Le premier me paraît mesquin, le second macho, le troisième épicurien ». Un résumé qui semble coller aux nouvelles valeurs de genre, plus égalitaires. Mais l’article se poursuit avec ce paragraphe : « Je reste toujours dépitée qu’un homme ne sache pas retenir la porte, me laisse entrer la première dans un restaurant, ne pense pas à me demander s’il peut me soulager en portant l’un de mes sacs ».

Alors quelle différence entre un homme qui insiste pour payer l’addition et celui qui propose systématiquement de porter notre sac ? Quelle différence entre celui qui impose sa domination financière et celui qui marque sa supériorité physique ? S’il s’agit de parvenir à un équilibre égalitaire, il va de soi qu’aucune femme ne devrait imposer le principe de la galanterie à l’homme quand cela l’arrange, de la même façon que l’homme n’a aucune légitimité à imposer une quelconque domination à la femme.

Pour Caroline Henchoz, ces contradictions persistantes illustrent le fait que les rapports hommes-femmes actuels sont faits d’un « savant dosage entre égalité et codes de séduction plus traditionnels »


Un casse-tête pour les hommes…
 

Le sociologue Michel Bozon commente le rituel de l’addition en ces termes : « Les femmes continuent à être vues comme des objets à posséder, au mieux comme des sujets au désir modéré, attentives au désir qu’elles peuvent susciter. C’est aussi pesant pour les hommes que pour les femmes ». Surtout que beaucoup de femmes considèrent encore qu’un homme qui demande à partager l’addition ou ne propose pas de les inviter est un vrai goujat. Monsieur se retrouve alors face à un choix cornélien : passer pour un macho, ou un goujat. Malheureusement (mais on les comprend), beaucoup optent pour la première option, ce qui ne fait pas avancer le schmilblick d’un iota.


…et pour les femmes

D’un autre côté les aventureuses qui se verraient bien proposer de payer se heurtent elles aussi à un problème. Marie-Françoise Hans, auteure du livre 33 histoires de femmes et d’argent, explique : « Elles ont peur, si elles paient, de vexer ou déviriliser les hommes qui les invitent ». Car encore une fois, on a toujours appris aux hommes à être galants, à protéger les femmes et à faire le premier pas. Alors qu’on devrait plutôt leur apprendre à être attentionnés, respectueux et à communiquer, tout comme on l’apprend aux femmes. L’égalité doit être mutuelle, sinon, elle est tout simplement vide de sens.

Le meilleur conseil qu'on puisse vous donner pour achever cet article, c'est sûrement d'oser varier les plaisirs : le chacun son tour, le partage, le je-paye-trois-fois-de-suite-mais-ça-me-fait-plaisir. A chaque situation son addition, et à chaque couple ses envies finalement. Alors sentez-vous libres (vraiment libres) de faire comme bon vous semble.



Ce qu'en pensent les parisiens

On est allé faire un petit tour du côté de chez nous pour connaitre votre avis sur la question. Comme d'hab, vous n'êtes pas d'accord, mais vous êtes fun, alors on vous aime. Pour vous, on serait même prêt à payer l'addition, c'est dire.