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Transracialisme : un influenceur blanc se fait opérer pour ressembler à un coréen

Publié le 5 juillet 2021 à 10h22

Modifié le 5 juillet 2021 à 18h46

par Manon Merrien-Joly

Au mois de juin, (mois des fiertés dans le monde entier, dédié à célébrer et faire reconnaître les droits des personnes LGBTQI+), Oli London, influenceur et chanteur britannique qui se présente comme une "star de la K-pop et personnalité de la télévision" faisait son coming-out sur sa chaîne Youtube en tant que personne "coréenne non-binaire". 

Le 21 juin, iel publiait une vidéo "je suis coréen non-binaire..." sur sa chaîne youtube. "Qui que vous soyez, peu importe à quoi vous vous identifiez, à une pomme de terre, un schtroumph, un prince Disney... Nous avons le droit de de nous identifier de différentes façons, explique Oli London. Donc que vous vous identifiiez à un lapin, un chat, un chien, ce n'est pas le sujet. La question c'est qu'en tant qu'êtres humains, la plupart d'entre nous - pas tous - vivons dans des démocraties où nous pouvons nous exprimer. Je crois vraiment en la liberté d'expression." 

"Plastic is fantastic"

Dans une vidéo publiée le 26 juin intitulée "être coréen...", iel explique avoir eu recours à 18 opérations de chirurgie esthétique. London a choisi de se faire opérer pour ressembler à son idole, le chanteur sud-coréen Park Ji-Min du groupe BTS, dont il a aussi repris le prénom. En tout, il aurait dépensé plus de 100 000 euros. En 2020, Oli London s'était marié à une réplique en carton de Park Ji-Min à Las Vegas, déclarant vivre "le jour le plus heureux de sa vie"Le 1er juin dernier, il dévoile un single "plastic is fantastic", prônant la liberté de faire "ce que l'on veut" dans un monde de "faux-semblants". 


Oli London n'est pas le premier à revendiquer une identité raciale différente de son origine ethnique de naissance. Ce phénomène baptisé "transracialisme", a été particulièrement médiatisé par Rachel Dolezal, une américaine blanche qui s'est faite passer pour noire pendant plusieurs années, jusqu'à être présidente d'un chapitre de la National Association for the Advancement of Colored People (NAACP) dans l'Etat de Washington, une organisation américaine de défense des droits civiques. Lorsqu'en 2015, un média local interviewe les deux parents de Dolezal - tous deux blancs- , ils déclarent que leur fille est blanche et se fait passer pour une personne noire. Rachel Dolezal a alors 38 ans. Dans une interview à la NBC en 2017, elle se définit comme «trans-noire», terme qui selon elle signifie qu'elle n'est « pas née comme cela » mais que « c’est ce qu’[elle est] réellement »Elle est poursuivie pour vol et fraude sociale en mai 2018. 

Appropriation culturelle ou véritable trouble identitaire ?

"C'est triste parce que tous les gens qui tentent de me cancel ne sont même pas coréennes. En fait, les Coréens m'aiment." déclare Oli London dans cette vidéo. Pourtant, plusieurs personnalités coréennes l'accusent d'appropriation culturelle et de fétichisation, la youtubeuse Anna Lee en tête. Elle diffusait en janvier et en mars 2021 deux vidéos en expliquant que de son point de vue, selon lequel l'influenceur bénéficie de l'appropriation de la culture coréenne. Elle s'appuie sur deux des clips de ses chansons dont "heart of Korea" dans lequel il danse vêtu d'un kimono japonais sur des vidéos semblant être tirées de banques de vidéos.

Pour Anna Lee, Oli London empile plusieurs éléments qui contribuent à créer des généralités, semblant "considérer l'Asie comme une identité unique". Selon elle, "Oli London - comme tout influenceur - gagne de l'argent par sa musique, son contenu Instagram et Tik Tok. Plus le contenu est provocateur, plus il sait qu'il fera des vues, même si ce sont des haters, cela compte comme de l'engagement et c'est la seule chose qui compte sur Youtube."


À ses détracteurs, Oli London clame : "vous ne comprenez pas : j'ai été piégé dans le mauvais corps toute ma vie. Ca a été très dur ces huit dernières années, j'étais perdu, il y avait tellement de gens en ligne qui me malmenaient, se moquaient de moi, à propos de mon apparence, mon amour pour Ji-Min (Park Ji-Min, chateur du groupe coréen BTS, ndlr), mon amour pour la corée. Les gens ne comprennnent juste pas." Le 25 juin, iel tweetait : "Si vous pouvez être transexuel, vous pouvez aussi être TRANSRACIAL. Pourquoi y a-t-il un tel double standard et une telle hypocrisie avec des gens qui me critiquent d’être Coréen ? C’est la même chose que quelqu’un qui est né dans le mauvais corps et qui veut devenir homme ou femme. J’étais né dans le mauvais corps ! »

Dans sa vidéo du 21 juin Oli London estimait que "c'est une très belle chose, en 2021, vous pouvez avoir toutes ces différentes identités, nous pouvons aimer des personnes différentes librement; Ce n'est pas le cas dans d'autres pays, je voudrais dire à mes fans qui viennent d'autres pays où ce n'est pas possible de faire son coming-out en tant que non-binaire ou d'être soi-même, je voudrais vous dire d'être forts, courageux, un jour votre tour viendra."C'est aussi là qu'intervient la notion de privilège, centrale pour comprendre le débat qui oppose les soutiens aux personnes se revendiquant "transraciales" et leurs détracteurs.

Par ailleurs, le terme de transracialisme pose problème en lui-même puisqu'à l'origine, il est utilisé pour mentionner les personnes adoptées par des parents d'une race différente. Aux Etats-Unis, certains parlent d'"usurpation raciale".  Concernant le cas d'Oli London, qui ravive les dissensions entre militants, philosophes et intellectuels de tous bords, il illustre en tout cas à la perfection l'adage selon lequel il n'y a pas de mauvaise publicité.

Pour poursuivre la réflexion, on vous conseille cet article de Slate concernant le transracialisme et la transidentité.

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par Auriane Camus

Vous vous appelez Kevin et vous en avez marre que la Terre entière se moque de votre prénom à longueur de temps ? C'est votre jour ! Ce lundi 17 mars, le plus grand rassemblement de Kevin jamais organisé se tiendra devant le Forum des images, en plein coeur de la capitale, à partir de 19h30. Et la bonne nouvelle, c'est que vous avez le droit de venir les soutenir, même si vous ne vous appelez pas Kevin.


Le rendez-vous des Kevin

Si ce rassemblement pas comme les autres a lieu à cette date, ce n'est pas pour fêter la Saint-Kevin (qui a lieu le 3 juin) mais pour marquer la sortie sur grand écran du documentaire Sauvons les Kevin, en présence du réalisateur Kevin Fafournoux, ce lundi 17 mars à partir de 19h30 au Forum des Images. Le film d'1h05 sera ensuite diffusé sur Paris Première le samedi 22 mars à 22h55, pour celles et ceux qui n'aurait pas pu assiter à l'événement.


Sauvons les Kevin

Un documentaire realisé par un Kevin, pour les Kevin et avec des Kevin, il fallait y penser. C'est pourtant le pari fou entrepris par Kevin Fafournoux, directeur artistique, motion designer, et surtout réalisateur du documentaire Sauvons les Kevin. Depuis 2022, ce dernier a entrepris une campagne de financement participatif avec pour objectif la sortie d'un documentaire autour de ce prénom si populaire des années 90. On vous en parlait d'ailleurs déjà à l'époque lorsque la campagne venait d'être lancée.

« Sous un angle humoristique, ce film aura pour but d'analyser les stéréotypes et clichés autour de mon prénom et de voir comment ils entrainent des préjugés voir même de la discrimination, explique le réalisateur sur son site internet. Avec une ambition ludique, didactique, il permettra de comprendre ce type de mécanismes, d'encourager à les déconstruire pour mieux raissonner. Et qui sait, peut-être même inverser la tendance et remettre les Kevin à la mode. »

Et bonne nouvelle, après plusieurs années de travail, le documentaire est sur le point de sortir sur grand et sur petit écran. Comme promis, il mettra en scène tout un tas de Kevin aux expériences et horizons différents : un Kevin médecin, un Kevin avocat, des Kevin vieux, des Kevin jeunes, un Kevin qui a finit par changer de prénom... Tous partageront leur expérience et raconteront comment ils vivent avec ce même prénom. Bien évidemment, un documentaire ne serait pas complet sans quelques scientifiques pour donner leur avis : sociologues et chercheurs décrypteront les tendances et les mécanismes qui ont mené à cette vision stéréotypée de ce prénom. Le tout avec un univers pop et décalé, en référence aux codes visuels des années 90, période phare des Kevin. 

Et en attendant la sortie du docu, vous pouvez toujours aller faire un tour sur la page Ulule du projet ou sur le site de Kevin Fafournoux, pour en apprendre plus sur l'évolution du projet, sur le réalisateur, ou juste sur le prénom Kevin. 


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