Les lumières des projecteurs s’éteignent et dans la seconde qui suit, un tonnerre d’applaudissements retentit. Sur la scène, Clovis Cornillac, Maud Baecker et Éric Prat saluent, sourire aux lèvres, un public conquis. Preuve en est, il faudra une standing ovation et cinq rappels pour que l’ensemble des spectateur·ices venus ce dimanche au Théâtre de la Madeleine acceptent, non sans peine, de quitter leurs fauteuils de velours rouge. Depuis le 12 septembre, le mythique théâtre du 8e arrondissement accueille sur ses planches la pièce bouleversante de Cyril Gely, Dans les Yeux de Monet : une ode à l’art, à l’amour, à la création et à la lumière.
©Lucie Guerra/Le Bonbon
L’émergence d’un inséparable duo
Nous sommes en 1892. Claude Monet, interprété par Clovis Cornillac, s’installe au-dessus d’une boutique de lingerie dans l’objectif de peindre la cathédrale de Rouen, sans toutefois avoir l’inspiration nécessaire. Mais enfermé dans cette pièce, il se laisse envahir par les doutes et l’obscurité. Jusqu’au jour où il est rejoint par une jeune femme à la chevelure blonde, travaillant comme modèle dans la boutique et répondant au nom de Camille (Maud Baecker). Aussi rayonnante qu’un rayon de soleil, ce petit brin de femme parle et bouge sans cesse, remuant pour le meilleur le quotidien morose de l’artiste et père tourmenté. Elle l’agace, sans pourtant qu’il ne s’en lasse. Au contraire, elle est celle qui par sa pétillance, lui rend ce génie créatif qu’il cherchait tant à retrouver.
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Les opposés s’attirent
Plus que d’être une simple mise en avant de la créativité de l’un des plus grands peintres de l’Histoire, Dans les Yeux de Monet étincelle par la justesse et la délicatesse de son propos et de ses personnages. Comme les pièces d’un puzzle, chaque élément s’imbrique à merveille avec le suivant. Par sa douceur et sa clarté, Camille complète le côté rustre et sombre de Claude, comme le yin complète le yang.
Deux personnalités en apparence opposées, qui forment pourtant le duo parfait, usant de répliques vives et presque piquantes pour apporter à la pièce des touches d’humour parsemées avec ingéniosité. Le décor du “studio” occupé par l’artiste traduit d’ailleurs avec finesse cette ambivalence : du côté gauche, son espace à lui, froid et terne, avec le strict minimum en termes de mobilier. Du côté droit, l’espace qu’elle occupe, empreint de féminité, où les mannequins du magasin côtoient d’élégants fauteuils.
Et la lumière fut
Il y a l’art, il y a la relation qu’entretiennent les deux personnages principaux, et il y a la lumière. Tel un fil conducteur, c’est elle qui rythme la pièce autant que la vie de Monet. « Elle », la lumière, « elle », Camille. Monet la peint, la cherche sans relâche et tente de la retenir dans ses toiles.
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Grâce à une mise en scène particulièrement efficace pensée par Tristan Petitgirard et devenant de plus en plus lumineuse et colorée, la pièce parvient avec brio à montrer le passage de l’artiste broyant du noir à celui qui a retrouvé l’inspiration. Du début à la fin, on se laisse attendrir par ce Monet acclamé par le monde entier, dont la pesante aigreur s’explique par la crainte du temps qui passe et une capacité visuelle qui baisse. Du début à la fin, on se laisse enchanter par Camille, cet ange comme tombé du ciel, ce songe passager qui illumine tout sur son chemin. Avec Dans les Yeux de Monet, on rit, sourit, on s’émeut, on s’émerveille et on est apaisé à l'idée qu’enfin, Monet ait trouvé le « remède à l’obscurité ».
Dans les Yeux de Monet
Théâtre de la Madeleine
19, rue de Surène – 8e
Du mercredi au samedi à 21h
Les samedis et dimanches à 15h30
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