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Dirty Dancing : Michael O’Reilly, l'artiste britannique qui fait danser tout Paris

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Lucie Guerra

« On ne laisse pas Bébé dans un coin », « I've Had the Time of My Life »...  Ces répliques et chansons cultes issues du film Dirty Dancing continuent d'émerveiller des générations entières, plus de 35 ans après sa sortie. Depuis le 22 novembre et jusqu'au 26 janvier 2025, l'histoire est adaptée en comédie musicale, en français, sur les planches du Dôme de Paris. Aux côtés de Justine Marec qui prête sa voix au personnage de Bébé Houseman, ce n'est autre que l'acteur, danseur et chanteur britannique, Michael O'Reilly qui joue l'emblématique personnage de Johnny Castle. Un rôle que l'ancien rugbyman de 27 ans incarne mieux que personne puisqu'il le joue à Londres depuis six ans. De ses débuts en tant que danseur, jusqu'à son apprentissage du français en l'espace de quelques mois pour ce rôle en France, Michael O'Reilly évoque son parcours hors du commun et son amour pour la scène


©BOBY

 

« Je me sens tellement chanceux de pouvoir jouer ce rôle »

Vous avez arrêté le rugby à 18 ans parce que vous êtes tombé amoureux d’une danseuse. Or, il y a une différence entre tomber amoureux d’une danseuse et tomber amoureux de la danse. Quand avez-vous su que votre carrière serait dédiée à la danse et à la comédie musicale ? 

Je jouais déjà et j'avais ce rêve un peu irréaliste qu’après ma carrière de rugbyman, je deviendrais un acteur célèbre. C’est cette danseuse qui m’a fait entrer en studio de danse, m’a appris à danser et m’a encouragé à passer une audition pour Matthew Bourne [chorégraphe britannique, ndlr]. J’y suis allé pour le fun, honnêtement, je ne pensais vraiment pas être pris. Pourtant, ça a été le cas et j’ai travaillé avec une compagnie professionnelle. C’est à ce moment-là que je suis vraiment tombé amoureux de la danse. J’étais entouré de personnes qui étaient un peu comme mes amis rugbymen, c'était formidable. Je savais que si je le voulais vraiment, je pouvais devenir joueur de rugby professionnel, mais je ne savais pas si je pouvais être danseur professionnel. Et ce défi était tellement excitant ! 


Le monde du spectacle, c’était quelque chose que vous aimiez déjà étant enfant ou était-ce complètement nouveau pour vous ? 

Pas du tout. Je pensais que les comédies musicales étaient les pires choses au monde, que le théâtre était pour les gens riches qui ne comprenaient rien à l’art. Ce que j’aimais, c’étaient les films, ils m’ont toujours passionné, surtout ceux de science-fiction et de fantasy, ceux qui transportent hors du monde dans lequel on vit. Je trouve que c’est une chose magnifique de pouvoir faire ça avec du storytelling. En grandissant, j’ai passé du temps à lire de la poésie, des pièces de théâtre, à regarder des spectacles, et maintenant, c’est l’une des choses que je préfère. J’ai énormément de respect pour le théâtre et le fait de raconter une histoire en live. C’est tellement puissant et émouvant d’aller au théâtre, de s’acheter un ticket et de voir les artistes créer une histoire devant nos yeux.


Quelles sont les choses que vous avez en commun avec le personnage de Johnny Castle selon vous ? 

Je dirais que je deviens de plus en plus comme ce personnage à mesure que je vieillis, pour être honnête ! L’histoire parle d’un jeune homme qui cherche sa place. Il est beau, il est professeur de danse, il essaie de devenir quelque chose dans un monde qui lutte contre lui. Qui sommes-nous ? Où voulons-nous êtres ? Je pense qu’on peut tous se retrouver dans ces questionnements. En tant qu’artiste, et surtout avec ce rôle, c’est très facile d’être catalogué comme un objet et pas comme un acteur sérieux, et c’est exactement le cas de Johnny ! Mais à la fin de la journée, il n’est qu’un artiste qui lutte pour se trouver, et moi, j’ai été ça, je suis encore ça dans une certaine mesure. On avait demandé à Patrick Swayze : « Pourquoi as-tu fait Dirty Dancing ? », il a répondu : « Je ressentais quelque chose pour Johnny, j’ai lu le script et je me suis connecté au personnage ». Je me sens vraiment chanceux de pouvoir jouer ce rôle, c’est un personnage aimé par tant de gens !


« Il n'y a pas de thème plus intemporel que l'amour »

L’histoire de Dirty Dancing a plus de 35 ans. À part la célèbre scène de fin, pourquoi pensez-vous que ce spectacle est toujours aussi populaire et intemporel ? 

Oui, c’est absolument fou ! À la base, ce n’était pas censé être un énorme film, il n’avait pas un grand budget, mais tout le monde avait une bonne intuition à propos de ce projet et espérait qu’il serait bien reçu. Je pense que beaucoup de gens se posent la question : pourquoi ce film a-t-il si bien marché ? Quel est le secret de Dirty Dancing ? Patrick Swayze a répondu, et je pense que c’est beau et vrai : « C’est l’histoire de quelqu’un qui regarde profondément en toi et te trouve beau pour ce que tu es vraiment ». Et je pense que c’est ça Dirty Dancing ! C’est l’histoire d’amour entre Johnny et Bébé. En fait, c’est l’histoire de l’amour, et il n’y a pas de thème plus intemporel que l’amour. Donc, je pense qu’ils ont réussi à combiner cette belle et honnête histoire, avec la bonne musique, la bonne danse, le bon scénario et c’était juste l’une des belles plus merveilleuses coïncidences.  


©Laura Gilli


Comment avez-vous réagi quand on vous a dit que vous alliez jouer Johnny en France et en français ? Comment vous êtes-vous préparé ? 

J’ai joué aux Folies Bergère l’année dernière, en anglais. C’était la fin de ma tournée avec Dirty Dancing et je pensais que ce serait la dernière fois que je jouerais dans ce spectacle pour être honnête. Il a été très bien reçu ! Je savais qu’il allait être joué au Dôme de Paris ensuite, et on en rigolait avec mon équipe en disant que ce serait drôle si j’apprenais le français et que je faisais le spectacle. Quelques mois plus tard, le producteur m’appelle pour me proposer de déjeuner et il me dit : « Dirty Dancing en français, tu en penses quoi ? », je lui demande si c’est toujours une blague et il me répond : « Je pense qu’on devrait le faire. » Je ne parlais pas du tout français, je me suis dit que je ne pourrais pas le faire, ça serait trop difficile. Et dès que j’ai eu cette pensée, je me suis dit : « Je dois le faire maintenant. »C’était comme un pari avec moi-même. Entre la fin de ce déjeuner et le moment où j’ai pris la décision de vraiment m’y mettre, il m’a fallu deux jours pour partir m’installer à Aix-en-Provence pour apprendre le français. J’ai commencé en juin, j’y ai passé deux mois, puis je suis venu à Paris et j’ai commencé à travailler avec différents coachs tous les jours, pendant 8 heures, pour essayer de rendre hommage à ce rôle que j’aime tellement. C’est très important pour moi que chaque personne qui dépense de l’argent pour voir ce spectacle, passe un bon moment. Je suis très fier de dire qu’on a créé un spectacle magnifique et la réaction des gens en ligne ou à la sortie du théâtre me touche vraiment. Le fait qu’on puisse le faire dans une autre langue et que ce soit aussi bien reçu, que les gens puissent profiter de cet échappatoire, venir rire, pleurer, danser, c’est un vrai honneur de pouvoir faire ça.


Avez-vous l’impression que le public français réagit différemment au spectacle que le public britannique ?

Les réactions sont un peu différentes parce que le script est légèrement différent. Il est basé sur la version française, donc les gens applaudissent à d’autres moments, les répliques emblématiques ne sont pas les mêmes, mais l’essence et la joie le sons… La scène de fin, c’est un moment incroyable, mais sur scène, on oublie presque ce que cette histoire représente pour les gens. On fait le porté, puis on redescend, et on regarde le premier rang et les gens pleurent. Ça signifie tellement pour eux de voir cette scène, ils sont tellement submergés par l’émotion. C’est en ce sens que le spectacle est pareil, en France ou au Royaume-Uni, et c’est ça qui le rend beau. Il donne aux gens ce sentiment spécial.


Comment avez-vous fait pour créer cette épatante connexion que vous avez sur scène avec votre partenaire Justine Marec ? 

Dès qu’on a su qu’on allait travailler ensemble, on s’est rendu compte de cette responsabilité que l’on avait. C’est elle et moi, et une des choses qui doit se passer pour que ce spectacle fonctionne, c’est que le public doit croire que Johnny et Bébé tombent amoureux. Cette connexion, il faut la retrouver et la recréer chaque soir. On a passé beaucoup de temps ensemble. Étant nouveau à Paris, elle m’a montré la ville, on parlait d’art, de poésie, du script. Justine n’avait pas beaucoup dansé avant, donc on était ensemble en studio, je lui apprenais à danser et elle m’apprenait le français. C’est drôle parce que j’ai ressenti une sorte de parallèle avec le film : ce qu'on vivait, c’était littéralement l’histoire de Dirty Dancing, c’est fou. Je pense que ce que les gens voient sur scène et qu’ils interprètent comme une connexion, c’est cette vraie et profonde confiance en quelqu’un. 


©BOBY


Avez-vous avez un rituel avant de monter sur scène ? 

Je n’ai jamais dit cela à qui que ce soit (rires). J’ai un bracelet qui faisait partie de mon costume lors de ma première tournée de Dirty Dancing et j’ai demandé au département des costumes à la fin de la tournée si je pouvais les payer pour qu'ils le remplacent parce que je voulais le garder en souvenir. J'ai pu l'avoir et depuis ce moment-là, j’ai été le seul à avoir joué Johnny au Royaume-Uni ces six dernières années. Chaque fois que je joue ce rôle, je ramène le bracelet. Je l’ai porté pour chaque spectacle. Je le mets avant de monter sur scène, je l’enlève quand je reviens dans ma loge. C’est un rituel que j’ai, c’est un peu mon truc superstitieux que je dois faire avant chaque show. 


Déménager pour un rôle est quelque chose de relativement challengeant. Comment vous êtes-vous adapté à Paris ? Est-ce que la vie ici est comme vous l’aviez imaginée ? 

Ça a été vraiment difficile de m’adapter ici, le vin est terrible, la nourriture est terrible, l’architecture est affreuse (rires). Plus sérieusement, c’est un rêve de me familiariser avec Paris. Il n’y a rien que je n’aime pas ici. Je vis dans le Marais, je me promène, je prends un café, je regarde les magnifiques points de vue de Paris. C’est comme si la ville me murmurait pour me rappeler cet amour romantique et nostalgique que j’ai perdu et qu’elle m’encourageait à le retrouver. Je pense vraiment que c’est un endroit spécial et tout le monde qui y vit le sait. Je suis très reconnaissant d’être ici et je pense qu’indépendamment de l’endroit où ma vie et mon travail me mèneront, une partie de mon cœur sera toujours ici, à Paris. 


Maintenant que vous parlez français, envisagez-vous de rester et de jouer dans des pièces ou des comédies musicales françaises ? 

Absolument ! J’ai des opportunités incroyables à Londres, mais j’aime tellement la langue française et les gens avec qui j’ai travaillé ici sont si formidables, que je pense vraiment essayer de le faire, que ce soit dans une pièce, une comédie musicale, un film français ou à la télévision. J’ai beaucoup de choses à explorer ici et je suis impatient de voir ce que le futur me réserve !