Déjeuner devant ton ordi c’est ton quotidien, grignoter en guise de dîner après avoir pris un verre arrive bien souvent… Syndrome de notre époque et de notre génération, on ne prend plus assez le temps de déguster un bon repas comme il se doit. Loin de se laisser abattre, de plus en plus de chefs français ont pris le problème à bras-le-corps en se tournant vers la street food. Et nous prouvent que la gastronomie n’est pas forcément réservée qu’aux grands palaces. Tour d’horizon de ce phénomène gourmand !
T’avais remarqué que depuis quelques temps, tu pouvais déguster des sandwichs haut de gamme ou encore des pâtisseries ultra sophistiquées, sans pour autant aller dans un restaurant étoilé ? C’est le pari qu’ont fait certains chefs français en constatant qu’il fallait bien s’adapter à notre façon (ultra rapide) de vivre, et surtout qu’il était nécessaire de démocratiser la nourriture gastro.
Reconnue dans le monde entier, la cuisine de rue a cependant du mal à vraiment trouver sa place en France, notamment à cause de cet « héritage de gastronomie formelle et d’une certaine réticence de nos politiques », selon l’association Street Food en mouvement chargée de développer ce concept en France. Pourtant la street food gagne du terrain, et contrairement à ce que l’on pourrait croire les chefs ne voient pas cette pratique culinaire d’un mauvais œil, bien au contraire !
Selon Akrame Benallal, chef deux étoiles, « La street food fait partie de l’ADN de la cuisine. Un chef doit savoir cuisiner tout type de plat : de la street food à la cuisine gastronomique », confie-t-il. « Il est aussi indispensable de s’adapter au monde qui l’entoure. C’est de là qu'il puise sa force ». Chef de référence avec plusieurs établissements à Paris et à l’étranger, il vient de se lancer dans les "paninis de luxe" avec Panivanda. L’idée : retrouver tous les produits d’exception avec lesquels il travaille dans son Atelier Vivanda, comme leur fameuse entrecôte séchée, un comté affiné de 18 mois ou encore l'huile d’olive au poivre.
Tout comme le street art, la street food est devenue un vrai phénomène. Au-delà de cette tendance, de cette adaptation indispensable, l’idée des chefs est avant tout de démocratiser, d’anoblir la cuisine de rue.
Yann Couvreur, chef pâtissier de 33 ans, a fait ses armes dans les plus grands palaces avant d’ouvrir sa première enseigne métro Goncourt il y a quelques mois, et se place ainsi comme un précurseur de sa génération. « Je ne veux pas réserver la pâtisserie à une élite, je veux que ce soit accessible », nous confie-t-il. « Je ne suis pas tellement plus cher qu’une pâtisserie populaire, le croissant est à 1 euros 20 ».
Il incarne même ce phénomène de chefs qui se sont pris d’amour pour la street food. Avec ses "fugues" notamment, ces desserts qu’il avait mis au point lorsqu'il travaillait dans les restaurants gastro et qu’il propose maintenant dans sa pâtisserie. Une seule obligation cependant : ils doivent être dégustés minute, sinon ils perdent leurs qualités. Son merveilleux mille-feuilles, qui a fait sa renommée et qui est devenu la pierre angulaire du lieu, est monté à la minute. Très léger, il est fait à partir d’arènes de Kouign Aman et se mange à la cuillère. Un pur moment de volupté (on a eu la chance de le tester !!).
Pendant notre dégustation, Yann nous confie : « On aurait tendance à penser que la street food est un peu la version du pauvre (quand je dis pauvre, je ne parle pas d’argent), et en fait pour moi c’est tout l’inverse, c’est peut-être ma plus belle prestation. Ici, c’est une prestation instinctive, minute, à laquelle on peut assister, avec un montage et des produits exceptionnels. »
L’ambition de ces chefs, qui est également un challenge, est de proposer des produits d’exception à "prix juste" ou "abordable". Compte quand même 10 euros pour un mille-feuilles très haut de gamme ou 7,80 euros pour le panini car le produit, certes d’exception, a quand même un prix. On pense aussi aux surprenants bols de Jean – Jean Imbert avec ses bols, ou encore aux breadmakis de Thierry Marx.
Bien plus qu’une mode, la street food « est une vraie alternative à la malbouffe, un puissant moteur d’intégration dans la société. La street food, c'est l'avenir ! », a déclaré Thierry Marx, président de l’association Street Food en mouvement. Cette association œuvre pour un développement structuré de la street food, respectueux de l’hygiène et des lois car elle considère qu'elle est un véritable lien social et qu'elle représente aussi la possibilité d’une valorisation des produits de terroirs et des patrimoines culinaires.
Le phénomène de street food n'en est qu'à ses prémices...!
© cover : Frenchie to go
