ani-adigyozalyan-bywv9myo0z8-unsplash

Temples chargés d’histoire, paysages montagneux et food à gogo : un séjour en Arménie

undefined undefined 18 octobre 2023 undefined 14h15

undefined undefined 10 janvier 2024 undefined 15h17

Sarah Leris

Avant de m’envoler pour quelques heures de vol, je connaissais mal l’Arménie. Plutôt adepte de peu me préparer pour garder la surprise, j’avais rempli ma valise et rejoint l’aéroport sans trop savoir à quoi m’attendre — et la surprise n’en fut que plus belle.

L’Arménie est un pays méconnu par chez nous et pourtant diablement bourré de charme. Il me suffit de 5 heures d’avion avec Transavia pour rejoindre sa capitale Erevan. Fondée en 782 avant JC, c’est l’une des plus anciennes villes du monde, et elle est aujourd’hui le hotspot de la jeunesse arménienne : plus de la moitié de la population du pays vit ici. Aussitôt mes valises posées, je pars à l’aventure grâce à mon tour guide de qualité et découvre une architecture propre aux pays de l’Est et une cuisine aux inspirations méditerranéennes à tomber à la renverse. Je passe par la célèbre place de la République où est installé le musée d’Histoire de l’Arménie et où les musiciens de rue ont l’habitude de jouer à la nuit tombée, devant la fontaine, et je file chez Sherep, l’une des tables les plus prisées de la ville à deux pas de la place, pour un premier dîner arménien. Là, dans un grand loft sur fond musical de qualité, je me jette sur les houmous, tartines, salades et raviolis, non mécontente de découvrir les spécialités locales, et je repars la panse bien remplie.

 Le mont Ararat veille sur Erevan © Gevorg Avetisyan

Une capitale jeune et ambitieuse

L’Arménie regorge de trésors méconnus, et il faut compter plusieurs jours pour espérer en explorer une partie. Ici, les habitants adorent leur pays et sont ravis de faire découvrir ses richesses. L’occupation russe est encore récente, et de nombreuses inscriptions sur les bâtiments sont en russe, mais le pays a à coeur de se reconstruire et de retrouver un nouveau souffle. Les adresses branchées côtoient les monuments vieux de plusieurs siècles, les bars à vins et les musées. Il fait bon de se promener dans le centre ville, de flâner dans ses rues orangées aux maisons basses. Fun fact : le mot "merci" en arménien est si long et compliqué qu'il est d'usage d'utiliser le mot français !

 La grande place © Gor Davtyan

Je me retiens de m’arrêter à tous les restaurants du coin (moi et mon estomac, toute une histoire) et je m’aventure du côté du Monument des Cascades, avec un parc tout en escaliers sur 4 niveaux et qui grimpe jusqu’à 78m de haut. À l’intérieur de la colline, le centre d’Arts Cafesjian où découvrir la dernière expo d’art contemporain mêlant peinture, sculpture et dessins. Mais c’est vers la grande bibliothèque Matenadaran que je me dirige : pensée comme un musée et un lieu de recherche scientifique, elle renferme parmi les plus grandes archives d’écriture au monde avec 17 000 manuscrits et 300 000 documents d’archives, souvent en arménien et toujours sous verre, touchant à tous les sujets possibles et inimaginables ! Que vous soyez plus médecine, histoire ou philo, un conseil, prenez un guide, car la liste est longue et les possibilités nombreuses. 

Le saviez-vous ? À quelques kilomètres de la capitale, sur le haut plateau arménien côté turc, se trouve le mont Ararat, l’un des plus hauts sommets d’Europe, qui culmine à 5 137m. C’est l’une des fiertés des Arméniens, et il est visible depuis la plupart des points de vue d’Erevan. Apercevoir son sommet recouvert de neiges éternelles partout dans la ville, au sortir d’un musée ou d’un café, est particulièrement touchant. Il est le symbole national du pays, est associé au mythe de l’arche de Noé, est présent dans de nombreuses oeuvres culturelles, et on raconte même qu’il aurait inspiré le logo de la Paramount. On s’habitue rapidement à son paysage, et on se surprend à apprécier l’idée que, d’une certaine manière, il veille toujours un peu sur nous.

 Les Cascades © Sanasar Tovmasyan

Enfin, avec un plaisir non dissimulé, je passe par le Megerian Carpet Armenia où je suis une visite guidée de l'atelier de fabrication des tapis. Restauration, entretien, lavage, c'est ici qu'on fabrique les plus beaux tapis du pays suivant la tradition. On suit tout le processus de création et on termine dans le showroom où jeter son dévolu sur le tapis de ses rêves... Vais-je craquer ? Je négocie de longues heures durant pour mon coup de cœur avant de renoncer à l’embarquer dans l’avion. Tant pis.

Un arrière-pays bourré de temples et monastères

Mais découvrir l’Arménie ne se résume pas à sa capitale, fort heureusement. J’embarque dans une voiture et je pars à l’aventure dans le pays, où je découvre des paysages à couper le souffle. Sur la route, je découvre la fabrication artisanale du pain arménien et j’apprends qu’ici les horaires des repas importent peu : on mange ce qu’on veut, quand on le veut, comme le prouve cette famille attablée devant une pizza à 10h du matin. Dans le petit supermarché du bord de route, le rayon vodka prend plus de place que celui de toute la nourriture confondue. C’est aussi ici que je me rends compte qu’on trouve de nombreux chiens et chats errants, ce qui rend le moment de repartir plus difficile - on se verrait bien en adopter deux ou trois. Après quelques heures de route à grimper dans les montagnes de l’arrière-pays, j’atterris au Tufenkian Avan Dzoraget Hotel, un luxueux hôtel coupé du monde (pas de réseau ici, tant mieux), en vieilles pierres de taille, à la façade de château historique et qui longe les rives de la Debed. Et comment rendre compte par écrit de l’émotion ressentie devant ces montagnes verdoyantes, cette brume et ce fleuve qui donneraient immédiatement l’impression d’être transposé dans une BO de feu Ryūichi Sakamoto ? En trois mots : coup de cœur.

Les environs de l’Arménie sont sublimes, et conjuguent nature, montagne et vieilles pierres. Car forcément, le premier pays chrétien au monde ne manque pas de temples : ici, on compte 4 000 monastères et églises ! Je jette mon dévolu sur le monastère de Haghpat, construit entre le Xe et XIIIe siècles, qui surplombe les environs et dont l’église se visite très facilement. Les monastères autrefois étaient des lieux d’étude, et l’on retrouve les traces de ces anciennes écritures, des anciennes salles, des sièges, un scriptorium pour conserver les manuscrits sous terre… Je rejoins ensuite le Kefilyan Family Hotel and Restaurant pour le déjeuner dans la très jolie salle de réception avec vue, aux service impeccable et avec le sourire, où je déguste l’une des meilleures soupes de riz de ma vie (sans déc’), à accompagner de pain arménien, évidemment.

Les aficionados de monastères ne seront pas en reste : à la volée, celui de Sanahin inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, tout noir et installé là-haut dans les montagnes, et celui de Marmashen, complètement rouge, dans la région de Shirak. Dans la même région, on s’aventure du côté de Gyumri, deuxième plus grande ville du pays, où se situe l’église Saint-Sauveur, aux couleurs noires et oranges, qui trône sur la place Vardanants, au centre de la ville.

 L'un des 4000 monastères du pays © Aleksandra Dementeva

Le musée du génocide, un passage obligatoire

Les paysages bruts d’un pays en reconstruction me touchent, et il serait difficile de repartir d’ici sans se recueillir au recueillir au Tsitsernakaberd, le Mémorial du génocide arménien. C’est à mon retour dans la capitale que je pars explorer le musée, sans conteste la visite la plus forte en émotion de ce séjour — et il faut s’y préparer, car on n’y entre pas comme dans n’importe quel autre musée. Construit sur une des sept collines d'Erevan, le musée est aussi appelé la forteresse des oiseaux. Ici, on retrace le génocide perpétré par le gouvernement Jeunes-Turcs entre 1915 et 1916 et l’histoire, bien que très intéressante, est extrêmement violente. À l’aide de photos, récits, témoignages, le musée retrace la chronologie des évènements avec une proximité suprenante — un moyen d’appréhender le traumatisme du pays, un moment fort mais nécessaire.

Le séjour touche à sa fin, ça tombe bien, j’ai gardé le meilleur : je ne partirai pas sans m’être assise à la table de Sirelis, le resto le plus en vue du moment, et quelle adresse ! Avec sa déco rétro ultra seventies et ses petites assiettes à partager toutes plus dingues les unes que les autres, je trempe mon lavash dans le houmous et la fava, je dévore des dolmas et je me régale de tout ce qui passe sous mon nez. L’ambiance est excellente, l’hospitalité chaleureuse. Les cocktails me mettent en jambe et je décide, à la veille de mon départ, de pousser ensuite la porte de Decant, le meilleur bar à vin de la ville, pour une dégustation improvisée. J’y apprends les spécificités des vins du pays en fonction de leur région, je ris à gorge déployée, et je me régale. Je repars d’Erevan et de l’Arménie des souvenirs plein la tête, ravie d’avoir pu vivre cette expérience hors du temps, et, de retour dans l’avion Transavia qui me ramène en France, les paysages montagneux fantasmatiques défilent sous mes yeux, comme pour me saluer.

 Le Mémorial du génocide arménien © Amir Kh