Sous le bitume, les vignes grecques
C’est au cœur du 15e arrondissement, entre la rue Cazemajou et le boulevard Salengro, que les archéologues de l’Inrap ont fait parler la terre. En fouillant une parcelle promise à de nouveaux aménagements d’Euroméditerranée, ils ont révélé les vestiges d’un vignoble antique, parfaitement conservé sous plusieurs mètres de remblais. Ce coteau aujourd’hui urbain dominait autrefois la mer, à moins de 300 mètres du rivage. Les fouilles ont permis d’identifier trois générations de vignobles successifs, exploités pendant près de quatre siècles.
Foyer à pierres chauffantes antérieurs aux fosses de plantation grecques. © Axel Cauvin, Inrap
Massalia, la capitale du vin antique
Ces découvertes confirment ce que les historiens soupçonnaient : la vigne faisait battre le cœur économique de Massalia. Du Ve au IIe siècle avant notre ère, le vin marseillais s’exportait bien au-delà de la Provence — jusqu’en Catalogne, en Corse, et même en Allemagne celtique. Les amphores estampillées “made in Massalia” témoignent d’un véritable monopole du vin méditerranéen, bien avant l’essor des crus italiens. Marseille, déjà, jouait la carte du commerce international.
Fouille et enregistrement du deuxième vignoble par les archéologues. © Souen Fontaine, Inrap
Un trésor sous un futur quartier
Avant que ne sortent de terre de nouveaux immeubles, les archéologues ont dû composer avec un sol pollué par l’héritage industriel du secteur. Après dépollution, les fouilles ont révélé un paysage agraire complexe : fosses de plantation, chenal antique, silos, traces de polyculture… Autant d’indices qui esquissent une organisation agricole ingénieuse et durable. Là où s’élèveront demain des bâtiments modernes, les chercheurs ont redonné vie à une colline viticole grecque oubliée, rappelant que l’histoire de Marseille s’écrit toujours entre terre, vin et mer.
